Prêts agricoles Summer !!

Aspects légaux [modifier]

Les sources juridiques mésopotamiennes offrent des renseignements sur les pratiques agricoles, notamment les rapports de production. Les Codes de lois de la fin du IIIe millénaire et du début du IIe millénaire comprennent des articles sur le droit agraire. Ils traitent du règlement de litiges issues de négligence lors de l’irrigation d’un champ, des rapports entre propriétaire et fermier, jardinier, ou avec les journaliers. Les propriétaires sont protégés contre les empiétements et les vols.

Les actes de la pratique (vente, prêts, contrats de fermage) permettent d’approcher au plus près des réalités sociales et économiques agricoles. En plus d’offrir des informations d’ordre juridique, ils permettent d’entrevoir la société rurale, les pratiques agricoles voire les paysages agraires.

Transferts de propriété [modifier]

La plupart des terres privées se transmettent par héritage. Les pratiques successorales varient beaucoup : parfois égalitaires, d’autres fois elles favorisent un héritier principal ; les parts sont parfois attribuées par tirage au sort. Du fait du fractionnement trop important de certaines terres, il peut arriver qu’on ne le pratique pas dans les faits, et que la terre reste indivise. Des terres peuvent être transmises à titre de dot. Les terres de service ou prises en fermage sont souvent reprises par les héritiers.

Contrat de vente d'une maison et d'un champ, Shuruppak, c. 2600.

L’autre moyen de translation des terres est la vente. Les contrats de vente comportent la description du bien vendu (superficie, situation), son prix, le nom des contractants (ils sont généralement rédigés du point de vue de l’acheteur), des témoins, du scribe, et un serment vient souvent renforcer l’accord. À Assur et Nuzi, les ventes de terres doivent être annoncées publiquement par un héraut pour s’assurer qu’il n’y a pas d’autre personne pouvant revendiquer la possession du bien. À la période néo-assyrienne, les domaines se vendent avec leurs exploitants, qui sont attachés à la terre sans être esclaves pour autant.

Les contrats de vente sont considérés comme faisant preuve de la propriété du bien immobilier concerné. Ils sont donc conservés tant que celui-ci reste la possession de son dernier acheteur.

Prêts agricoles [modifier]

Les contrats de prêt destinés à l’agriculture peuvent se faire en denrées alimentaires (céréales surtout), ou en argent. Les créanciers sont les grands organismes, ou bien des particuliers à partir du IIe millénaire. Certains temples effectuent des prêts sans taux d’intérêt fort pour les plus démunis, mais généralement les taux sont élevés voire très élevés (avec de grandes variations, en gros entre 20 et 50 %). On rembourse après la récolte, ce qui semble indiquer que les prêts sont souvent faits pour la soudure ; en cas de mauvaise récolte, le débiteur peut se retrouver dans un situation d’endettement chronique. Le créancier s’assure le remboursement du prêt et le paiement des intérêts de plusieurs manières : le débiteur peut donner un membre de sa famille en otage le temps qu’il rembourse, et dans les cas les plus dramatiques certaines personnes deviennent esclaves à la suite de dettes non remboursées ; on peut aussi mettre les terres en gage, généralement en antichrèse (le créancier saisit la terre le temps de se rembourser sur sa production). Quand le taux est très élevé et que la durée de remboursement de l’antichrèse est très longue, il est possible qu’il s’agisse en fait d’un moyen déguiser d’obtenir une nouvelle terre.

Les contrats de vente ou de prêts ne sont pas absolus : l’accord peut être annulé quand le souverain promulgue un édit de restauration (andurāru(m)), notamment pendant des crises économiques, ce qui rétablit la situation antérieure à l’accord (dans des conditions particulières, et seulement si le vendeur ou le débiteur le réclament). Des clauses du contrat pouvaient stipuler qu’une mesure de ce type ne pourrait annuler l’accord, ou bien on pouvait utiliser des moyens détournés pour s’en prévenir.

Études de cas [modifier]

Les différents lots d’archives nous renseignant sur les structures agraires mésopotamiennes sont très variés : certains concernent des grands organismes, en grande majorité des temples ; d’autres proviennent de lots privés. De fait notre connaissance de l’organisation de l’agriculture mésopotamienne est inégale, plus précise sur certaines périodes et régions, pour un certain type d’acteurs, alors qu’on ne sait rien ou très peu pour d’autres cas. Il s’agit ici de voir certains des cas les mieux connus et étudiés, une partie représentant des situations assez classiques, et d’autres plus originales. Pour des exemples supplémentaires, voir les pages sur la Troisième dynastie d’Ur, l’Eanna d’Uruk et le royaume de Babylone.

Girsu à l’époque des Dynasties archaïques [modifier]

Le plus ancien lot d’archives (1 200 tablettes) nous donnan

Tablette des archives du temple de Bau concernant la distribution de rations d'entretien à des travailleurs.

t des informations sur les structures agraires d’un grand domaine est celui du temple de la déesse Ba’u à Girsu, dans l’État de Lagash, au XXIVe siècle, sous le règne d’Urukagina[9]. Ces terres sont nominalement attribuées à la déesse et donc à son temple, mais en réalité elles sont à la disposition de la reine, Sasag, qui est considérée comme la représentante terrestre de la divinité (de la même manière le domaine du roi est attribué au grand dieu local, Ningirsu). Cette situation est toute récente, car sous les rois précédents ce domaine s’appelait « Domaine de la Dame » ; ce changement était motivé par la volonté de placer les terres des temples sous la coupe du pouvoir royal, ce qui suscita de fortes résistances chez les prêtres.

Le domaine de la déesse Ba’u couvrait 4 465 hectares, et employait de 1 000 à 1 500 personnes, rétribuées en rations d’entretien (KURUM6). Trois catégories de terres sont attestées : celles exploitées directement par le domaine, qui les faits exploiter par des travailleurs agricoles esclaves ou des personnes de basse condition payés en rations d’entretien (en grains d’orge surtout) ; celles confiées à des fonctionnaires en guise de salaire, les champs d’entretien (pour lesquelles les temples versent des rentes de quatre mois, durée probable de la charge effectivement accomplie) ; et celles louées à des personnes privées contre redevance (ces terres sont vraisemblablement héréditaires), qui travaillent sur le domaine en régie directe à titre de corvée, quatre à cinq mois par an, durée pour laquelle ils sont payés en ration d’entretien (plus élevées que celle des travailleurs agricoles de base). Les animaux que l’on élève sont ceux que l’on trouve généralement en basse Mésopotamie : bovins, ovins, porcs, volaille. On pêche également des poissons dans les marais voisins.

L’élevage dans les archives de Puzrish-Dagan sous la Troisième dynastie d’Ur [modifier]

Le site de l’ancienne Puzrish-Dagan n’a pas été fouillé par de manière classique, mais uniquement par des fouilleurs clandestins. Une très grande quantité d’archives y ont été exhumées, dont une très grande majorité renseigne sur des transferts de bétail[10]. Recoupées, elles ont pu livrer un tableau d’une situation très originale, concernant la circulation du bétail dans le royaume d’Ur durant la fin du règne de Shulgi et celui de son successeur, Amar-Sîn (milieu du XXIe siècle).

Le royaume d’Ur a mis en place le système du BALA (« rotation ») : chacune des provinces centrales du royaume livrait une certaine quantité d’une production agricole à tour de rôle, en fonction de ses capacités et de ses spécialités, qui était ensuite redirigée vers une autre partie du royaume. La documentation atteste surtout de la circulation du bétail. On a au départ estimé que cela servait aux sacrifices dans les temples, notamment ceux de Nippur, voisine de Puzrish-Dagan. Mais il est probable qu’il s’agisse simplement d’une contribution au fonctionnement du royaume, que le roi s’en réserve une partie, et aussi d’un moyen de transférer des richesses d’une région à l’autre, en fonction des nécessités de chacune. Ce serait donc une planification à l’échelle du royaume, fait sans précédent.

Les archives de Puzrish-Dagan attestent de la circulation d’environ 60 000 ovins et caprin par an pendant les cinq dernières années du règne de Shulgi, soit la bagatelle de 300 000 ovins. À cela s’ajoutent quelques 30 000 bovins, 4 000 gazelles, 3 000 équidés, et quelques centaines de cervidés, ours, aussi des porcins. On pense généralement qu’ils passaient par Puzrish-Dagan, qui serait alors un gigantesque parc à bétail (ce que l’on ne peut pas certifier en l’absence de fouilles sur place), mais il est possible qu’il ne s’agisse que d’un centre d’archives concernant le bétail, qui ne transiterait pas forcément par la cité.

Les tablettes montrent aussi la gestion du bétail et du personnel chargé de son entretien. Le KURUŠDA est chargé de l’engraissement des bêtes à l’étable, et pour cela il dispose de 2 litres d’orge quotidiens par ovin, alors que les bovins se nourrissent des roseaux. Les bergers (SIPA) sont divisés entre les pasteurs (NA.GADA) et les bouviers (ÙNU). Cette administration très lourde supposait un appareil bureaucratique important, avec des scribes spécialisés dans divers domaines.

Par ailleurs, les archives contemporaines de Girsu et Umma montre comment étaient élevés les bovins[11]. Après leur sevrage, ils reçoivent une alimentation en grain et fourrage, et sont considérés comme prêts pour servir aux travaux agricoles. On les regroupe en équipe de sept/huit bêtes. Tout un personnel aux compétences diverses dirigé par un « scribe des bœufs de labours » (DUB.SAR.GU4.ALPIN).

Les propriétés privées à Nuzi [modifier]

La documentation disponible pour la cité de Ner'Zhul du XIVe siècle nous informe essentiellement sur des domaines possédés par des individus, bien qu’il existe des terres appartenant au palais. Certains membres de la famille royale avaient de grands domaines, comme Silwa-Teshub, le fils du roi d’Arrapha (auquel Nuzi appartient), mais ils sont gérés comme des biens privés. Ces grandes exploitations sont nommées dimtu (« tours »), sans doute d'après l'établissement fortifié qui leur servait de centre (comme les dunnu médio-assyriens et les gt ugaritains).

Les riches propriétaires effectuent de nombreuses acquisitions de terres aux dépens des petits paysans propriétaires qui s’appauvrissent. Ces derniers vendent leurs terres, ou les perdent à la suite de prêts non remboursés (notamment après avoir mis leur champ en gage), mais ils en restent exploitants après, et sont toujours chargés d’effectuer les services pour le pouvoir royal (ilku), normalement à la charge du propriétaire. Les taux d’intérêt des prêts s’élèvent généralement à 50 %, que les débiteurs ont apparemment du mal à rembourser.

La particularité des transferts de propriété à Nuzi est qu’ils s’effectuent par le biais d’adoptions fictives : le vendeur « adopte » l’acheteur comme son « fils » (ana marūti), lui donne sa « part (d’héritage) » (zittu) ; en échange, l’acheteur lui donne un « cadeau » (qīštu), en orge ou en argent généralement. Il s’agit donc d’un achat déguisé. Très actif, le riche propriétaire Tehip-tilla se fait ainsi adopter une centaine de fois ! L’origine de cette pratique reste débattue. Des transferts plus classiques sont attestés, mais la propriété vendue comme le prix de l’achat sont toujours appelés « cadeaux ». On effectue également des échanges (šupe’’ultu) de terres, par contrats. En dépit de ces excentricités, la documentation de Nuzi nous présente tout de même des structures agraires typiques de la Mésopotamie du nord.L’agriculture Néo-Assyrienne [modifier]

Les structures agraires de l’époque néo-assyrienne (IXe-VIIe siècles)[12] sont dominées par les terres appartenant au roi ; les temples possèdent également des grands domaines, et dans une moindre mesure que les grands dignitaires de l’Empire. La puissance foncière de ces derniers à tendance à fléchir au fur et à mesure de l’affirmation du pouvoir royal. Les plus riches peuvent avoir des domaines de près de 2 000 hectares, éclatés en exploitations de taille moyenne situées sur des terroirs différents ayant chacun une production agricole spécifique. La base de l’économie agricole assyrienne est constituée par des petits exploitants indépendants ou rattachés à un grand domaine.

Un document remarquable retrouvé à Ninive, le Recensement de Harran (sans doute de la fin du VIIIe siècle), montre un recensement de terres d’un grand domaine, appartenant probablement à un membre de la famille royale, avec la mention des personnes chargées de leur mise en valeur et leur famille[13]. Ces terres sont disséminées sur plusieurs terroirs de la région du Balikh. Le grand propriétaire dispose avant tout de vignes, comprenant entre 4 500 et 29 000 pieds de vigne ; c’est une culture d’un très bon rapport du fait de sa rareté en haute Mésopotamie. À côté de cela il dispose de terres céréalières, de vergers, ainsi que de troupeaux. La situation des familles d’exploitants atteste des difficultés démographiques de l’Empire assyrien : peu d’enfants, peu de personnes âgées. D’une manière générale les petits exploitants semblent connaître de nombreuses difficultés, notamment un endettement chronique. Le manque d’hommes fait que les domaines se vendent souvent avec leurs exploitants, même si ces derniers ne sont pas forcément des esclaves.

La gestion de ces domaines militaires fait également intervenir un acteur important de l’économie locale de Nippur : la firme familiale des Murashu (seconde moitié du Ve siècle)[15]. Ces riches notables prennent à ferme des domaines d’arc laissés par leurs tenanciers qui préfèrent en percevoir la rente plutôt que de les exploiter eux-mêmes. Ce sont les Murashu qui se chargent alors des relations avec l’administration. Les membres de la firme sont également des créanciers importants, et prennent aussi à ferme la gestion de canaux d’irrigation. Leur pouvoir économique devient néanmoins trop important, ils commencent à empiéter sur des domaines ne leur appartenant pas, ce qui suscite des plaintes. Le pouvoir impérial finit par intervenir pour réduire leur puissance économique (années 420-410). Cette famille est un exemple très représentatif des firmes familiales qui prennent un poids important dans l’économie rurale de la Babylonie depuis l’époque néo-assyrienne. D’autres cas notables sont ceux des Egibi de Babylone à la période néo-babylonienne (VIe siècle)[16], ou la famille de Bēlšunu dans cette même ville à la fin du Ve siècle, celle des descendants d'Ea-ilūta-bāni, vivant à Borsippa du VIIIe au Ve siècle[17], du « Barbier » (Gallabu) à Ur à la fin de la période achéménide et au début de la domination séleucide. Les dernières archives privées de notables de basse Mésopotamie datent de la fin de l’époque hellénistique. Ce groupe a des activités similaires sur une très longue durée, plus particulièrement dans le domaine agricole où ils prennent de nombreuses terres à ferme, qu’ils peuvent mettre en valeur grâce à leurs esclaves et dépendants ainsi qu’un important capital d’exploitation. Ils peuvent aussi prendre en charge la gestion de l’irrigation comme le font les Murashu, ainsi que la commercialisation des produits agricoles vers les villes. Cela se couple à d'autres types d'investissements, le tout visant à diversifier les moyens de gagner de l'argent pour mieux assurer ses arrières. Ainsi, un descendant de la famille d'Ea-ilūta-bāni, au Ve siècle, a une palmeraie dont l'apport sur investissement est de 14 % environ, tandis que les prêts qu'ils concèdent leur rapportent 20 % d'intérêts (annuellement). Si le second investissement rapporte plus, le premier est plus sûr, puisque l'argent rentre régulièrement et tant qu'on garde la terre, tandis que les débiteurs ont parfois du mal à rembourser leurs dettes et que les prêts sont contractés à court terme.

Suite !!

 

 

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