La Trinité chrétienne, dans les principaux courants du christianisme, désigne Dieu, unique, en trois hypostases, Père, Fils et Esprit Saint, égales et participant à une même essence (consubstantialité ou homoousia).
L'énoncé du dogme de la Trinité se présente comme la conséquence de ce qui est dit du mystère de Dieu dans les Écritures : Dans l'Ancien Testament, Dieu a révélé son existence et son unicité ; dans le Nouveau Testament ont été affirmés la divinité de Jésus-Christ et le caractère personnel de l'Esprit-Saint.
Le mot « Trinité » n’appartient pas au vocabulaire du Nouveau Testament, ni, par conséquent, au kérygme originel de la première communauté chrétienne. Il est un résumé, de nature théologique, pour signifier le dogme central de la foi chrétienne. On trouve le mot grec Τριας / Trias, qui signifie « trois », à propos des trois Personnes divines, pour la première fois (vers 180) dans les écrits de Théophile d'Antioche (A Autolycus, II, 15), qui lui-même n’affirme pas être l’inventeur du mot dans cette acception, puis est employé par Hippolyte de Rome (Contre Noët, 14). C’est Tertullien (v. 155 – v. 222) qui a introduit le terme Trinitas dans le lexique théologique latin (Contre Praxeas). Trias n'est pas employé aux conciles de Nicée, Constantinople I, Chalcédoine ; le mot s'est imposé avec Athanase d'Alexandrie[1].
Cependant, les notions qui constituent la doctrine trinitaire sont contenues dans les Écritures. À ce sujet, Claude Tresmontant précise :
Tertullien a aussi employé les mots substantia, équivalent du grec ουσια / ousia (« essence », « substance », « être ») et persona qui signifie « masque d'acteur », « rôle » puis « personnalité » et correspond au grec προσωπον / prosôpon. Le mot υποστασις / upostasis, « hypostase », signifiant « base », « fondement » puis « matière », « substance » a été employé au concile de Nicée indifféremment avec ousia. À la suite de Basile de Césarée, s'imposera la formule : « une seule ousia en trois hypostases ».
« Dès le début de la Bible, Dieu apparaît comme un être mystérieux qui n'exclut pas une certaine pluralité que relèvent les Pères de l'Église »[1] : en témoignent le mot אלהים Elohim qui est un pluriel, de même que le verbe en Gn 126 (« Faisons l'homme à notre image »), la distinction entre l'ange de YHWH et YHWH lui-même (Gn 167s), la théophanie des chênes de Mambré où Abraham a vu « trois hommes » (Gn 182), la personnification de la Sagesse, de la Parole et du Souffle (Ps 336 ; Pr 8).
Cependant, l'usage de la langue hébraïque n'appuie pas cette supposition, selon laquelle Elohim désignerait une pluralité de dieux ou une combinaison d'êtres spirituels. La forme plurielle du nom qui est utilisée ici en hébreu est un pluriel de majesté ou pluriel d'excellence [1]. En Genèse 1:1, les traducteurs de la LXX (La Septante, traduction grecque) ont fait correspondre ho Théos (Dieu au singulier) à Elohim [2], car le pluriel de majesté n'existe pas en grec.
C’est dans le Nouveau Testament qu’on trouve l’essentiel de la révélation d’un Dieu qui est Trinité.
Le mot n’y figure pas ; mais les trois personnes y sont clairement nommées, y agissent et s’y manifestent, à la fois dans leur distinction et dans leur unité.
Selon, l'Encyclopaedia Britannica: « Ni le mot Trinité, ni la doctrine explicite de la Trinité n'apparaissent dans le Nouveau Testament; Jésus et ses disciples n'avaient pas l'intention de contredire le Shema [une prière hébraïque] de l'Ancien Testament, savoir : ‘ Écoute, Israël! l'Éternel, notre Dieu, est le seul Éternel. ’ Deut 64 » [3]
La première révélation de la Trinité fut une révélation privée, au profit de Marie. Elle se produisit lors de l’Annonciation par la voix de l’ange Gabriel : « Le Saint Esprit viendra sur toi, et la puissance du Très Haut te couvrira de son ombre. C'est pourquoi le saint enfant qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu » (Lc 135). On a bien là le Père dans les cieux ; le Fils dans le sein de Marie ; et l’Esprit Saint descendant du ciel sur Marie pour la féconder.
La deuxième révélation de la Trinité, et la première qui fût publique, eut lieu au Jourdain, lors du baptême du Christ. « et le Saint Esprit descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe. Et une voix fit entendre du ciel ces paroles: Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi j'ai mis toute mon affection. » (Lc 322). Elle eut Jean-Baptiste, le précurseur, comme principal témoin. « J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et s'arrêter sur lui. » (Jn 132).
Cette révélation de la divinité du Fils sera confirmée sur le sommet du mont Hermon, pour le compte des trois disciples privilégiés, déjà présents au Jourdain, Pierre, Jacques et Jean, au moment de la Transfiguration : « Celui-ci est mon Fils, l’élu, écoutez-le. » (Lc 935).
Le Nouveau Testament est rempli de formules qui affirment, ou supposent, la parfaite divinité du Fils, d’une part, et qui d’autre part associent pleinement l’Esprit à la vie, à l’intimité et à l’action du Père et du Fils.
L’Évangile selon Marc s’ouvre par une profession de foi : « Commencement de l’Évangile de Jésus Christ, Fils de Dieu. » (Mc 11). Et l’évangile de Matthieu se termine quasiment par cette consigne universaliste : « Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. » (Mt 2819).
Mais c’est dans Jean qu’on trouve la doctrine trinitaire la plus élaborée, à tel point qu’on a pu qualifier Jean de « théologien ».
Un symbole baptismal du IIIe siècle, en grec, indique :
Le premier concile de Nicée Le Ier concile œcuménique se réunit à Nicée en 325 pour statuer au sujet de l'arianisme. Les principales personnalités engagées dans ce débat étaient présentes, dont Arius, Eusèbe de Nicomédie qui lui était favorable, Eusèbe de Césarée, modéré, Alexandre d'Alexandrie (accompagné d'Athanase d'Alexandrie comme secrétaire) qui s'opposait à lui, de même que, de façon intransigeante, Eustathe d'Antioche et Marcel d'Ancyre. Une quasi unanimité s'est prononcé pour condamner les thèses ariennes et rédiger un symbole affirmant que le Fils est consubstantiel (homoousios) au Père, c’est-à-dire de même nature que lui. Dans le De trinitate, Augustin d'Hippone montre l'inadéquation du langage et de nos représentations sur la Trinité (ch. V, 9, 10 ; VII, 6, 11 ; XV, 22, 42). Le concile d'Éphèse Le troisième concile œcuménique,qui a été ouvert en 431 par Cyrille d'Alexandrie à Éphèse, s'est référé à « la foi de Nicée » en refusant d'en modifier le symbole, a condamné le nestorianisme et a reconnu à la Vierge Marie le titre de « Mère de Dieu » (Théotokos). Le concile de Chalcédoine Ce fut seulement au concile de Chalcédoine, quatrième concile œcuménique, en 451, que le vocabulaire théologique acquit sa pleine stabilité, au sujet du mystère trinitaire. Ce concile, surtout christologique (consacré à la personne du Fils), a déclaré qu’il fallait assimiler les notions latines de substance et de personne (introduites par Tertullien) respectivement à celles (grecques et tirées des spéculations d’un Plotin) d’essence (ousia) et d’hypostase (hupostasis), et que Jésus-Christ, Dieu fait homme, réunit en une seule personne les deux natures, « sans confusion », « sans changement », « sans division », « sans séparation », cela par opposition au monophysisme proclamé par le moine Eutychès. À la suite de celles de Nicée puis de Constantinople, différents symboles (ou confessions de foi) sont venus apporter des précisions remarquables sur l’intelligence qu’on doit avoir du mystère trinitaire : le symbole d'Épiphane, celui dit d'Athanase, celui des conciles de Tolède. Symbole de Nicée-Constantinople : Extraits du XIe concile de Tolède (675) : « Nous professons que le Père n’est ni engendré ni créé, mais qu’il est inengendré. Il ne tire son origine de personne ; de lui le Fils reçoit sa naissance et le Saint Esprit sa procession. Il est donc lui-même source et origine de toute la divinité ; il est aussi le Père de sa propre essence et, de son ineffable substance, il a engendré ineffablement le Fils ; et cependant il n’a pas engendré autre chose que ce qu’il est lui-même : Dieu a engendré Dieu, la lumière, la lumière » « Nous affirmons aussi que le Fils est né de la substance du Père sans avoir eu de commencement, avant les siècles, et cependant il n’a pas été fait. Car le Père n’a jamais existé sans le Fils, ni le Fils jamais sans le Père. Cependant, le Père n’est pas du Fils comme le Fils du Père, parce que le Père n’a pas reçu du Fils la génération, mais le Fils l’a reçue du Père. Le Fils est donc Dieu issu du Père, mais le Père n’est pas Dieu issu du Fils. Père du Fils, il n’est pas Dieu par le Fils. Celui-ci est Fils du Père et Dieu par le Père. Le Fils est cependant égal en toutes choses à Dieu, le Père, parce qu’il n’a jamais commencé ni cessé de naître. » « Nous croyons aussi que l’Esprit Saint, qui est la troisième personne dans la Trinité, est Dieu, un et égal au Père et au Fils, de même substance et aussi de même nature. Il n’est cependant ni engendré ni créé, mais il procède de l’un et de l’autre, il est l’Esprit de tous les deux. » Il a été introduit, sans doute en Espagne à la fin du VIe siècle mais la proposition se trouvait déjà chez Ambroise de Milan, de même que dans le symbole d'Athanase (dont l'attribution est incertaine) et a été explicitée par Augustin d'Hippone. Il a fait partie du Credo liturgique romain à la suite de Benoît VII. Dans la chrétienté grecque, on estime que l'Esprit procède du Père seul, « par le Fils », ce qui est affirmé d'abord par Maxime le Confesseur, ensuite, nettement, par Jean Damascène puis par le IIe concile de Nicée en 787. Le concile de Francfort en 794, jugera qu'il n'y a pas équivalence entre les deux expressions. Ce fut une des causes du schisme en 1054 et continue d'être une difficulté entre les Églises d'Orient et d'Occident malgré les tentatives de compromis comme ce fut le cas au concile de Florence en 1439 pour qui le Filioque était justifié mais qui n'exigeait pas sa reconnaissance par les Grecs. À l'époque actuelle, les papes professent le Credo indifféremment sous les deux formes : avec ou sans le Filioque. Positions actuelles des Églises Église catholique romaine et Église orthodoxe Dans le catholicisme, comme dans les Églises des sept conciles, c'est l'un des dogmes centraux du christianisme : Césaire d'Arles († 542), un des Père de l'Église, écrit ainsi dans son Expositio symboli : « La foi de tous les chrétiens repose sur la Trinité ». Tous les baptisés chrétiens de ces Églises ainsi que de celles issues de la Réforme, le sont « au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit », d'après la formule qui termine l'Évangile selon Matthieu Pour montrer son importance dans la foi et souligner le caractère inconcevable par l'esprit humain de la réalité divine, les catholiques parlent souvent du mystère de la Trinité, au sens de vérité de foi non accessible aux lumières de la seule raison humaine. C'est l'un des trois principaux mystères avec la Rédemption et l'Incarnation.
Résumé de la foi catholique sur la Trinité Il existe un seul Dieu personnel, transcendant au monde qui renferme en lui toutes les perfections. Il est omniscient, omnipotent, et il est l’Amour. Il y a en Dieu trois personnes, le Père, le Fils et le Saint Esprit, qui nous sont révélées par l’incarnation du Fils et par l’envoi du Saint Esprit. Elles possèdent l’unique nature divine et c’est la divinité entière et indivisible qui est en chacune des personnes, dans le Père, dans le Fils et dans l’Esprit. Entre les trois personnes divines il existe une distinction réelle, qui se fonde uniquement sur les relations mutuelles que ces personnes entretiennent entre elles. Le Père tient de lui-même la nature divine. Le Fils procède du Père par génération éternelle. Le Saint Esprit procède du Père et du Fils, ou encore du Père par le Fils, comme d’un seul et même principe, en tant qu’ils sont un seul Dieu. Le Père, le Fils et le Saint Esprit se compénètrent mutuellement dans la plus parfaite circumincession d’Amour, en grec : périchorèse, et agissent par une seule et même opération sur le monde, en dehors d’eux. Le monde interne de Dieu (œuvres ad intra) ne nous est connu que par leurs œuvres externes (ad extra), autrement dit par la création, l’incarnation, la rédemption et l’envoi de l’Esprit. Les œuvres ad extra de Dieu imitent les processions internes et nous parlent d’elles. Le monde de Dieu, celui de la Trinité, est une parfaite vie d’Amour et d’unité, Amour et unité étant corrélatifs.
Les symboles
Le Filioque
Le mot Filioque (« et du Fils », en latin) a été ajouté au symbole de Nicée-Constantinople dans l'Église latine pour affirmer que l'Esprit Saint procède du Père et du Fils.