http://www.unhcr.org/refworld/country,,IRBC,,NGA,456d621e2,440ed7362,0.html
Une professeure agrégée et directrice du département d'anthropologie du collège Franklin & Marshall, qui a écrit nombre de documents sur les problèmes socioculturels au Nigéria et récemment publié un article intitulé « "Diabolical Realities": Narratives of Conspiracy, Transparency and "Ritual Murder" in the Nigerian Popular Print and Electronic Media », a décrit la différence entre les meurtres rituels et les sacrifices humains comme suit :
[traduction]
la catégorie juridique de « meurtre rituel » a été introduite dans le droit nigérian à l'époque coloniale britannique; il s'agit d'un crime qui entraîne des poursuites judiciaires. Par meurtre rituel on entend le meurtre de personnes à des fins rituelles (parmi ces fins figure ce qu'on pourrait appeler le sacrifice humain). [...] La catégorie de meutre rituel englobe tous les délits concernant le meurtre de personnes et l'utilisation de parties du corps humain à toute fin magique, tandis que le sacrifice, quant à lui, implique le meurtre d'une personne pour apaiser une déité. Le sacrifice semble être davantage axé sur la pratique religieuse et même plus digne, d'une certaine manière, que le « meurtre rituel » (12 juill. 2005).
Au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, un professeur du centre d'études et de recherches Africana de l'université Cornell, titulaire d'un doctorat en histoire de l'université de Jos, au Nigéria, a expliqué la différence entre les sacrifices humains et les meurtres rituels en soulignant que les sacrifices humains font intervenir la communauté de façon formelle, tandis que les meurtres rituels sont des actes individuels, qu'on perpètre souvent après consultation avec un shaman ou un sorcier – ou encore avec la participation de ces derniers – et ayant pour but de demander aux dieux d'accorder leur faveur à une personne (31 mars 1999).
Auteurs et victimes de meurtres rituels
Selon la professeure agrégée, il existe beaucoup d'hypothèses sur les principaux auteurs de la majorité des meurtres rituels, mais elle soupçonne tant l'élite riche que les [traduction] « pauvres paysans ignares » de bénéficier de cette pratique (12 juill. 2005).
Au cours d'un entretien téléphonique du 28 février 2000 avec la Direction des recherches, un avocat de Lagos et directeur du Constitutional Rights Project (CRP), groupe de défense des droits civils et des droits constitutionnels, a expliqué qu'habituellement les meurtres rituels ne sont pas associés à un groupe particulier. Il a déclaré que les meurtres rituels sont principalement commis par des [traduction] « guérisseurs indigènes qui se livrent à cette coutume depuis des temps immémoriaux, principalement dans le cadre de pratiques traditionnelles liées aux cultes qui n'ont rien à voir avec les cultes contemporains » (voir aussi Nations Unies 30 juin 2005). Il a ajouté que les personnes qui commettent des meurtres rituels agissent dans leur propre intérêt (avocat 28 févr. 2000).
Muhammad Sani Usman, agent administratif principal de la commission nationale des droits de la personne (National Human Rights Commission) du Nigéria, a déclaré durant une entrevue avec des représentants du service de l'immigration du Danemark et du ministère de l'Intérieur (Home Office) de la Grande-Bretagne dans le cadre de leur mission d'information conjointe au Nigéria, que les auteurs des meurtres rituels s'en servent quelquefois comme de manœuvres d'intimidation liées aux élections locales ou pour imposer leur volonté à des gens, notamment en ce qui concerne l'utilisation de fonds (Danemark janv. 2005, 11). Il a ajouté que des liens ont déjà été découverts entre ce genre de meurtres et la traite des personnes (ibid.).
Des sources médiatiques signalent que les guérisseurs traditionnels utilisent des parties du corps pour augmenter la puissance des charmes servant à guérir des malaises ou à protéger leurs clients d'infortunes (BBC 17 mars 2005; ibid. 16 oct. 2001). La professeure agrégée avance que certaines personnes [traduction] « accomplissent ces présumés rites dans une tentative désespérée d'augmenter leur richesse et leur pouvoir » (12 juill. 2005). Dans le cadre d'une combine pour s'enrichir, des gens commettraient des meurtres afin de vendre les parties du corps des victimes à ces guérisseurs traditionnels (professeure agrégée 12 juill. 2005; BBC 17 mars 2005). La British Broadcasting Corporation (BBC) signale que Jacob Wakfan, Nigérian de 35 ans, a avoué avoir assassiné son ami afin de vendre son pénis et sa langue à des gens qui voulaient s'en servir dans des rites de sorcellerie (17 mars 2005).
Le Dr Hendrick Scholtz, pathologiste sud-africain qui a effectué la deuxième de six autopsies (The Guardian 7 juill. 2004) sur le torse d'un garçon nigérian de cinq ans trouvé dans la Tamise en septembre 2001, a déclaré que les sacrifices humains étaient commis à l'intention d'un petit groupe de personnes souhaitant acquérir des pouvoirs surnaturels afin de réussir en affaires, en politique ou dans un autre domaine (BBC 29 janv. 2002). Par suite de l'expertise judiciaire, la police britannique a conclu que le garçon était originaire de Benin, au Nigéria, et qu'il était peut-être entré clandestinement à Londres par le biais d'un réseau de traite de personnes (The Guardian 7 juill. 2004; Sunday Times 3 août 2003).
Quant à déterminer les groupes vulnérables aux meurtres rituels, la professeure agrégée et directrice du département d'anthropologie du collège Franklin & Marshall a souligné que
[traduction]
tout le monde peut devenir victime; toutefois, les auteurs des meurtres rituels croient que les personnes âgées sont moins utiles à leurs fins que les personnes très jeunes et fertiles. Les jeunes femmes sont considérées comme des victimes probables et les enfants comme des victimes évidentes. Il existe quelques « cas » célèbres où des artistes créatifs auraient été assassinés en raison de leur talent. J'ai avancé dans mes analyses de ces rumeurs que les victimes les plus probables étaient celles qui possédaient beaucoup de potentialités personnelles, à savoir quelqu'un dont la vie ne fait que commencer, qui amassera beaucoup d'argent, qui aura beaucoup d'enfants [...] (12 juill. 2005).
Pratiques et cérémonies rituelles
Quant aux pratiques et aux cérémonies des meurtres rituels, la professeure agrégée a donné l'information suivante :
[traduction]
selon les rumeurs, les éléments de base sont des outils tranchants et beaucoup de sang versé (ou bu ou ingurgité autrement), [ainsi que] la « libération » des « parties inutiles du corps humain », et notamment de la tête et des parties génitales, qui seront utilisées dans d'autres rites. On parle souvent de chandelles, de chaudrons ou de marmites, de cannibalisme, etc. reviennent souvent. Cela ressemble beaucoup au sabbat des sorcières européennes ou à d'autres histoires d'horreur semblables qui circulent dans d'autres régions du monde où il y aurait des sorcières nécrophages (se nourrissant de cadavres). Dans les tabloïdes, j'ai lu des articles sur des personnes qui affirment avoir été enchantées par des mouchoirs magiques (placés sur leur visage ou leur bouche, pour leur faire perdre connaissance), pour se retrouver, une fois réveillées, entre les mains de ces meurtriers rituels (12 juill. 2005).
Dans le cas du torse trouvé dans la Tamise, The Guardian a signalé que le garçon, auquel la police a donné le nom d'Adam, avait bu une potion contenant de la fève de Calabar, plante toxique, juste avant de mourir (7 juill. 2004). La fève paralyserait la victime sans toutefois la rendre inconsciente (The Guardian 7 juill. 2004). Selon The Guardian, les victimes sont maintenues conscientes jusqu'au moment de leur mort parce que leurs cris réveilleraient les ancêtres dont le pouvoir est nécessaire à la cérémonie (ibid.). Dans le même ordre d'idées, un article de la BBC mentionne que les parties du corps sont enlevées alors que la victime est vivante, car ses cris augmenteraient l'efficacité des médicaments (16 oct. 2001).
Fréquence
Les universitaires, les militants des droits de la personne et les médias affirment que les meurtres rituels sont fréquents au Nigéria (professeure agrégée 12 juill. 2005; Post Express 25 oct. 2000; Danemark janv. 2005, 20; BBC 17 mars 2005; Christian Today 20 mai 2004; AFP 20 nov. 2000; Nations Unies 30 juin 2005). Selon la professeure agrégée, l'attention accordée dans la presse nigériane aux meurtres rituels porte à croire qu'il s'agit d'un phénomène [traduction] « assez répandu, que ce soit dans le Nord, le Sud, l'Est ou l'Ouest, [...][et qu'il] y a certains endroits où [ces meurtres] seraient endémiques (certaines régions du territoire igbo, l'État de Benin/Bendel, tous les endroits où il y a des fonctionnaires fédéraux [...]) » (12 juill. 2005). La Direction des recherches a trouvé nombre d'articles publiés entre 2000 et 2005 sur la commission de meurtres rituels dans divers États du Nigéria, y compris l'Anambra, l'Ogun, le Bauchi, l'Enugu, l'Imo, le Kano, l'Oyo, le Delta, l'Ondo et le Lagos (AFP 20 nov. 2000; ibid. 26 août 2003; This Day 8 déc. 2003; ibid. 1er févr. 2003; ibid. 20 août 2004; ibid. 17 sept. 2004; Vanguard 24 juin 2002; ibid. 9 mars 2005; ibid. 18 févr. 2005; Daily Champion 21 sept. 2004).
Réponse des autorités gouvernementales
Plusieurs des articles mentionnés ci-dessus font état d'enquêtes policières, d'autopsies, d'arrestations et d'interrogations de suspects dans des affaires de meurtres rituels (Vanguard 24 juin 2002; ibid. 9 mars 2005; This Day 8 déc. 2003; ibid. 1er févr. 2003; ibid. 20 août 2004; AFP 20 nov. 2000), et une source d'information mentionne également un couvre-feu dans l'État d'Enugu (This Day 8 déc. 2003). De plus, le Vanguard, quotidien nigérian, signale que la Haute Cour d'OgwashiUku dans l'État du Delta a condamné à mort trois personnes reconnues coupables du meurtre rituel d'un bébé mâle albinos (18 févr. 2005).
Dans une affaire très médiatisée, plus de 30 prêtres ont été arrêtés le 4 août 2004 après la découverte de 50 corps mutilés et de 20 crânes dans les forêts près des temples Okija, dans l'État d'Anambra (Nations Unies 30 juin 2005; Daily Champion 2 déc. 2004; This Day 19 août 2004). Les prêtres ont été accusés d'avoir fait des sacrifices humains et d'avoir utilisé des parties des corps des victimes à des fins rituelles (Nations Unies 30 juin 2005). Les prêtres ont été libérés sous caution en décembre 2004 (Daily Champion 2 déc. 2004). Les conclusions d'une enquête, ouverte à l'origine par le gouvernement à la suite des arrestations, ne sont pas encore connues (This Day 1er juin 2005).
L'un des meurtres rituels les plus connus s'est produit en 1996 à Owerri, dans l'État d'Imo (ibid. 2 août 2002; ibid. 24 janv. 2003). À la suite de ce qu'on appelle la [traduction] « saga Otokoto » (Otokoto était l'alias d'un des meurtriers, le chef Vincent Duru), sept personnes ont été condamnées à la pendaison pour le meurtre rituel d'un garçon de 11 ans et pour [traduction] « l'organisation du meurtre secret de nombreuses autres personnes » (ibid.).
Interrogé sur l'efficacité des enquêtes des autorités sur les meurtres rituels, la professeure agrégée a répondu comme suit :
[traduction]
auparavant, il y avait peu d'arrestations, mais beaucoup d'articles tapageurs dans les médias. Toutefois, dans le cadre de la « saga » Otokoto, de nombreuses personnes assez importantes ont été arrêtées, et plusieurs d'entre elles ont été exécutées. Selon des articles publiés, il existe quelques autres cas où il y a eu des arrestations. Mais, en général, l'idée des meurtres rituels existe et elle fait peur à la population, surtout parce que cette dernière pense que les riches meurtriers ont coopté les policiers et les juges (12 juill. 2005).
Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais prescrits. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile.
Références
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