Nehet-kaou (Néhebkaou) est un dieuserpentdont la puissance invincible protégeait l'Égypte et le monde inférieur qui n'est jamais que sa face négative. Dans lestextes des Pyramides, il est appelé fils de Serket, la déesse scorpion. Une autre traduction le donne pour fils de Geb et de la déesse des moissons Renenoutet. Il apparaît dans le livre des Morts comme une manifestation de Rê. Son nom signifie « celui qui accouple (ou unit) les deux Ka » ou "Celui qui approvisionne les kas".
En Inde et dans toutes les régions avoisinantes, depuis l’aube de la civilisation indienne, le serpent joue un rôle-clé, et fait l’objet d’une grande vénération et des cultes les plus divers ; et le bouddhisme comme le jaïnisme l’ont même adopté comme symbole.
Les adeptes de Vishnu attribuèrent aux serpents une auréole maléfique et les firent affronter Krishna, ou encore Garuda, l’oiseau-monture de Vishnu. Le frère lui-même de Krishna, Baladeva (ou Balarama) est censé être une incarnation de Ananta, le grand serpent sur lequel repose Vishnu. Et que ce soit sous la forme du cobra lové autour de Shiva ; d’Ananta ou de Shesha, le serpent originel ; de Kaliya, le serpent géant vaincu par Krishna; de la Kundalini du tantrisme ; ou des Naga, mi-serpent mi-humains vénérés avant même les Aryens ; le serpent joue un rôle primordial dans la mythologie indienne.
Mais il est intéressant de voir la place également importante qu’il occupe dans la symbolique
Cultes et festivités
Près de Madras, à Mahabalipuram, un lingam (symbole phallique de Shiva) de pierre mesurant 3 mètres est gardé depuis 13 siècles par un cobra à sept têtes. Dans les cultes populaires, le cobra tient une grande place et son effigie orne souvent les pierres appelées Gramadevata, ou divinités du village, placées sous les banyans. Ainsi, au début de la saison des pluies, dans le Rajasthan, au Bengale et au Tamil Nadu, on lui rend chaque année un culte particulier, en offrant du lait et de la nourriture aux serpents. Le Naga-panchami est le nom de cette fête célébrée le cinquième jour après la pleine lune ouvrant le mois de Shravan (juillet-août).
A Battis Shirale, dans le Maharashtra, cette fête prend même les proportions d’un grand festival, où personne ne craint les serpents censés être pacifiques ce jour-là (rappelons qu’une morsure de cobra attaque le système nerveux et paralyse le système respiratoire jusqu’à la mort).
D’après l’historien indianiste Louis Frédéric, les serpents sont dans la plupart des croyances locales des génies du sol, des esprits chtoniens (c’est-à-dire associés à la terre et au bas, contrairement aux esprits célestes) possédant la terre et ses trésors. Mais à l’encontre de toutes les autres catégories de serpents (sarpa), les cobras sont ceux qui animent le plus les mythologies indiennes, où ils sont divinisés et munis d’une véritable personnalité. Ainsi sont-ils très souvent associés au culte de Shiva, qui dans certaines de ses représentations en tient un enroulé sur l’un de ses bras gauches. Et dans ces représentations, les cobras ne sont autres que les naga, divinités chtoniennes au buste humain et au corps de serpent et considérées comme des esprits des eaux dans tous les folklores de l’Asie, notamment en Extrême-Orient où ils sont figurés par les dragons. En fait, dans l’iconographie traditionnelle indienne, les naga sont généralement représentés avec une tête humaine munie d’un capuchon de cobra. Ils peupleraient les patala, régions souterraines des enfers, gardant les trésors du sous-sol. En compagnie de leurs femelles, les nagini (particulièrement réputées pour leur grande beauté), ils s’adonneraient à la poésie. Car les naga passent pour être d’excellents poètes. Ils sont même considérés comme les princes de la poésie : censés avant tout être les maîtres des nombres, ils seraient donc, de ce fait, passés tout naturellement maîtres dans l’art de la métrique poétique. Et s’ils sont également les princes de l’arithmétique, c’est, comme le dit la légende, parce qu’ils sont au nombre de mille. Autrement dit, par leur fécondité extrême, les naga symbolisent la multitude indénombrable. Et comme la métrique c’est aussi et surtout la régulation du rythme, ils sont quelquefois mis en association avec le rythme des saisons et des cycles du temps.
Le cobra, quant à lui, est un long serpent, ses dimensions variant de un mètre à un mètre cinquante.
Et c’est par allusion à cette longueur considérable que les hindous l’ont rangé parmi les démons appelés mahonaga (grands serpents). Mais c’est le cobra royal (qui mesure jusqu’à 2 mètres) que l’on a choisi tout naturellement pour diriger la tribu.
Plusieurs noms lui ont été donnés en tant que roi des naga : Vâsuki, Muchalinda, Muchilinda, Muchalinga, Takshasa, Shesha, etc., auxquels de nombreux mythes sont attachés. Par exemple, dans la mythologie brahmanique, c’est sous le nom de Vâsuki que le roi des naga aurait été utilisé par les deva (les dieux) et les asura (les anti-dieux) comme corde pour faire tourner le Mont Meru sur son axe, afin de faire baratter la mer de lait et en extraire le nectar de l’immortalité, l’amrita. Autre exemple, une légende bouddhique veut que le roi Muchilinda ait protégé de la pluie et des inondations le Bouddha, alors en profonde méditation, en lui faisant un haut siège de ses anneaux repliés et en formant un abri de son capuchon à sept têtes de cobras. Shesha.
Mais le nom qui revient le plus fréquemment est celui de Shesha. Figuré quelquefois comme un être à sept têtes de serpent, celui-ci est représenté le plus souvent comme un serpent à mille têtes. Et c’est pourquoi le terme de Sheshashirsha (tête de Shesha) signifie bien souvent mille en tant que mot-symbole numérique. Selon sa propre étymologie, Shesha, c’est le vestige, celui qui reste (à la suite de la destruction de l’univers). On l’appelle d’ailleurs Adi Shesha (de Adi, commencement). Car Shesha, c’est aussi et surtout le serpent originel, né de l’union de Kashyapa et Kadru (l’immortalité). Et comme il avait épousé Anantashirsha (la tête d’Ananta), c’est-à-dire le «commencement de l’éternité», Shesha, selon les cosmologies et mythologies indiennes, est donc ainsi devenu à la fois le fils de l’immortalité, le vestige des univers détruits et le germe de toutes les créations futures.
Le roi des naga représente ainsi la nature primordiale, la durée sans limite de l’éternité et l’immensité sans bornes de l’infini. Shesha n’est donc autre qu’Ananta : cet immense serpent flottant sur les eaux primordiales du chaos originel et de l’«océan d’inconscience», et sur les anneaux duquel Vishnu, couché, se repose entre deux créations du monde ; c’est là que ce dernier donne naissance à Brahma qui surgit de son nombril.
Mais Ananta, c’est aussi le grand prince des ténèbres. Chaque fois qu’il ouvre sa gueule, un tremblement de terre se produit. Et c’est bien lui qui, à la fin de chaque kalpa (cycle cosmique de 4 320 000 000 d’années), provoque, en crachant, le feu destructeur de toute création de l’univers. Or, Ananta, c’est également Ahirbudhnya (ou Ahi Budhnya), le fameux serpent des profondeurs de l’océan qui, selon la mythologie védique, serait né des eaux sombres. En plus de génie du sol et d’esprit chtonien possédant la terre et ses trésors, le serpent apparaît donc ainsi comme un esprit des eaux (aptya) vivant dans les mondes inférieurs (patala).
A leur manière, certains mythes indiquent clairement cette ambivalence de la nature du reptile, comme la légende qui rapporte l’histoire de Kaliya, le roi des naga de la rivière Yamuna ; c’est un serpent à quatre têtes aux proportions monstrueuses, qui, vaincu par Krishna, alors âgé de cinq ans seulement, était allé se réfugier dans les profondeurs de l’océan.
Dans ce mythe, il faut noter cette allusion aux quatre têtes du roi des naga, alors que celui-ci, sous le nom de Muchalinda, est souvent muni de sept capuchons de cobra (concept exporté et fermement institué au Cambodge), lorsqu’il ne s’agit pas des mille têtes d’Ananta.Symbolique numérique
Le choix de ces attributions numériques n’est certainement pas dû au hasard. En fait, dans ces allégories, les sept têtes de Muchalinda représentent le royaume souterrain des naga, chacune étant associée à l’un des sept enfers qui constituent les mondes inférieurs. Inverses des mondes supérieurs, les Enfers se situeraient en effet juste en dessous du Mont Meru, le centre de l’univers, composé lui-même de sept faces, orientée chacune vers l’un des sept océans (saptasagara) et vers l’une des sept îles-continents (sapta dvipa).
Il est donc fait appel ici au caractère essentiellement céleste du symbole ainsi mis à contribution : Muchalinda n’était autre en effet que le serpent originel, celui-là même qui aurait engendré la nature primordiale. Car le Mont Meru, montagne mythique et sacrée des religions indiennes, qui se trouve ainsi associé symboliquement au nombre sept, reçoit ses feux précisément de l’étoile polaire (α Ursae Minoris), la dernière des sept étoiles de la Petite Ourse, située exactement sur la même ligne que cet «axe du monde».
Les quatre têtes de Kaliya représentent, en revanche, la nature essentiellement terrestre de l’espèce rampante. Et on sait que dans la pensée mystique indienne, la terre correspond symboliquement au nombre quatre, celle-ci étant en effet mise en correspondance avec le carré, lui-même associé aux quatre points cardinaux. Par contre, les mille têtes de Shesha-Ananta symbolisent à la fois la multitude indénombrable et la durée éternelle.
Quant à la lutte évoquée plus haut entre Krishna et le roi des naga, elle est elle-même l’expression mystique de la rivalité entre l’homme et le serpent. Or, cette dualité homme-serpent est justement exprimée d’une manière très symbolique dans la littérature védique (notamment dans le Chhandogya Upanishad), où Krishna, le Noir, non encore divinisé, est un simple érudit ou encore un asura (c’est-à-dire un anti-dieu). Mais dès lors qu’il est rangé parmi les divinités du panthéon hindou, il devient la huitième incarnation (avatar) de Vishnu, avant même de devenir le bienfaisant protecteur de l’humanité.
Mais cette dualité s’exprime aussi de manière numérique, car le rang attribué à Krishna en tant qu’incarnation de Vishnu est égal à 8, soit exactement la valeur mystique du naga. Le naga, on l’a vu, est en effet considéré non seulement comme un génie du sol, un esprit chtonien possédant la terre et ses trésors, mais aussi et surtout comme un symbole aquatique ; c’est un esprit des eaux vivant dans les enfers. Or, la terre a 4 pour valeur symbolique. Et comme dans la pensée mystique indienne, l’eau (en sanskrit : jala) a également pour valeur 4, l’ambivalence du serpent s’exprime donc bien par la relation : naga = terre + eau = 4+4=8. Cette valeur se trouve confirmée par le fait que les naga se reproduisent par couples et évoluent toujours en compagnie des nagini leurs femelles ; ce qui donne bien le nombre 8 comme résultat de la multiplication symbolique de 2 (le naga et sa nagini) par 4 (la terre ou l’eau). Et c’est pourquoi la désignation générique de cette espèce est devenue un mot-symbole de valeur numérique égale à 8.Symbolique cosmogonique
Mais en plus de son caractère terrestre, le serpent symbolise aussi et surtout la nature primordiale. En effet, «les enfers et les océans, l’eau primordiale et la terre profonde ne forment qu’une matière première, une substance primordiale, qui est justement celle du serpent. Esprit de l’eau première, il est l’esprit de toutes les eaux, que ce soit celles du dessous, celles qui courent à la surface de la terre, ou celles du dessus». Ainsi le serpent est-il lié à la froide, gluante et souterraine nuit des origines : «Tous les serpents possibles, écrit Hermann von Keyserling, forment ensemble une unique multiplicité primordiale, une indénombrable chose primordiale, qui ne cesse de se détériorer, de disparaître et de renaître.» Le serpent symbolise donc la vie. En effet, quelle est donc cette chose primordiale sinon la vie dans sa latence, ou, comme le dit Keyserling, la couche de vie la plus profonde ? Elle est le réservoir, le potentiel d’où proviennent toutes les manifestations. «La vie des bas-fonds doit précisément se refléter dans la conscience diurne sous la forme d’un serpent», ajoute cet auteur, et il précise : «les Chaldéens avaient un seul mot pour Vie et Serpent». Pour René Guénon, le symbolisme du serpent est effectivement lié à l’idée même de la vie ; en arabe, le serpent se dit al hayyah, et la vie al hayat». Et d’ajouter, ce qui est capital, qu’al Hay, l’un des principaux noms divins, doit se traduire non par le vivant, comme on le fait souvent, mais par le vivifiant, celui qui donne la vie ou qui est le principe même de la vie. Le serpent visible n’apparaît donc que comme la brève incarnation d’un Grand Serpent invisible, causal et atemporel, maître du principe vital et de toutes les forces de la nature. C’est un vieux dieu premier et viscéral que nous retrouvons au départ de toute les cosmogenèses, avant que les religions de l’esprit ne le détrônent. Il est ce qui anime et ce qui maintient. Sur le plan humain, il est le double symbole de l’âme et de la libido: «Le serpent, écrit Gaston Bachelard, est un des plus importants archétypes de l’âme humaine.»
On retrouve bien sûr les images dans les représentations cosmologiques et mythologiques indiennes. Ainsi, dans les doctrines tantriques, la Kundalinî est le serpent de Shiva, source de toutes les énergies (shakti) sexuelles et spirituelles censées se trouver lovées à la base de la colonne vertébrale, sur le chakra de l’état de sommeil. Et lorsque celle-ci s’éveille, «le serpent siffle et se raidit, et l’ascension successive des chakras s’opère : c’est la montée de la libido, la manifestation renouvelée de la vie» (L.Frédéric). D’ailleurs, du point de vue macroscopique, la Kundalini a pour homologue le serpent Ananta, qui enserre de ses anneaux la base même de l’axe de l’univers. Associé à Vishnu et à Shiva, celui-ci symbolise en effet le développement et la résorption cyclique, mais, en tant que gardien du nadir, il est le porteur du monde dont il assure la constance et la stabilité. Mais Ananta, c’est d’abord et surtout le serpent de l’infini, de l’immensité et de l’éternité.
En fait, toutes ces significations ne sont qu’autant d’applications, dans un domaine déterminé, du mythe du Grand Serpent originel, qui exprime ainsi l’indifférencié primordial. Il est considéré à la fois comme le début et la fin de toute manifestation. Et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la langue sanskrite a choisi le mot Shesha, le reste, pour désigner le serpent Ananta, car le naga à mille têtes est pour les indiens le vestige des mondes disparus ainsi que le germe des mondes à venir. Et c’est ce qui explique justement l’importance tant accordée dans bon nombre de mythologies et de cosmologies à la signification eschatologique du serpent (antiquité d’Égypte, de Chine, de Grèce, du Mexique, etc.).
Il y aurait beaucoup à dire sur la mystique et la symbolique du serpent, qui ont ainsi constitué une constante de la pensée humaine, dont l’analyse pourrait à elle seule monopoliser plusieurs articles de ce genre. Disons simplement, pour nous résumer, que l’espèce rampante est mise en relation, depuis toujours, avec les idées de ciel, de corps céleste, d’univers, de nuit des origines, de matière première, d’axe du monde, de substance primordiale, de principe vital, de vie, de vie éternelle même, d’énergie sexuelle ou spirituelle.
Elle correspond aussi aux idées de vestige des créations passées et de germe des créations futures, de développement et de résorption cyclique, de longévité, de multitude indénombrable, d’abondance, de fécondité, d’immensité, de totalité, de stabilité absolue, de mouvement ondulatoire sans fin, etc.
Autrement dit, depuis un temps immémorial et parmi quelques peuples de la terre, le serpent, en plus des symboles terrestre et aquatique, incarne la notion même de l’infini et de l’éternité. A tel point que la représentation simplifié (lové sur lui-même se mordant la queue) d’Ananta (qui, rappelons-le, signifie littéralement qui n’a pas de fin), a même inspiré l’ouroboros, notre propre symbole de l’infini en mathématiques.
Au fait, peut-être même que le serpent qui tenta Ève en Éden était un cobra...
Egypte :
Durant près de trois millénaires, la vallée du Nil vit prospérer une des civilisations les plus brillantes de l'Histoire. L'invention d'une écriture originale sous forme d'idéogrammes, les hiéroglyphes, peu de temps après l'apparition du cunéiforme en Mésopotamie vers -3300, fit sortir la race humaine de la Préhistoire. L'Égypte des pharaons put ainsi largement s'épanouir pour atteindre son apogée au XIIIe siècle avant notre ère, laissant une œuvre monumentale au patrimoine mondial.