Conséquences dans les pays subissant les délocalisations
Les conséquences sont essentiellement de trois ordres : économiques, sociales et par conséquent également politiques.
Au début des années 1990, des rapprochements statistiques ont été effectués entre les chiffres des emplois perdus depuis le début des années 70 dans l’industrie manufacturière des États-Unis et d’Europe, et les chiffres des emplois créés dans ces mêmes industries en Asie du Sud-Est. La convergence de ces deux statistiques (6,5 millions dans les deux cas) est troublante mais on sait que d’autres facteurs ont influencé la désindustrialisation des pays riches : la robotisation et la tertiarisation de l’économie par exemple.
On peut reprocher aux médias et aux politiques d’alimenter des polémiques sur des cas particuliers et de donner l’impression que les pays pauvres volent, par un dumping social déloyal, les emplois des pays riches. Des études montrent qu’en réalité, la nature et les causes des délocalisations ne sont pas si simples. En 1997, le National Bureau of Economic Research a publié une enquête consacrée aux grandes firmes américaines mettant en évidence que ces entreprises avaient bien réduit le nombre des emplois intérieurs, mais que les créations d’emplois qu’elles avaient en parallèle opérées à l’étranger avaient davantage profité à d’autres pays riches qu’aux pays pauvres.
Il est notable qu’au plan économique les délocalisations permettent :
Au plan social
Les délocalisations ont de nombreuses répercussions sur le plan social dans les pays subissant les délocalisations. Les principales sont de :
Ces raisons expliquent pourquoi les délocalisations sont souvent mal vécues par les salariés et les sous-traitants des entreprises concernées.
Au plan politique
Les conséquences économiques et sociales ne sauraient laisser indifférents les politiques. Elles entrent d'ailleurs de plus en plus en considérations dans leurs politiques économiques et sociales. Elles peuvent notamment :
Conséquences dans les pays bénéficiant des délocalisations
Les conséquences sont souvent très positives pour les pays bénéficiant des délocalisations, en particulier les pays émergents. Elles permettent notamment de :
Par voie de conséquence, ces délocalisations permettent de :
Solutions
Les pays subissant les délocalisations parlent souvent de solutions à ce qu'ils considèrent comme un problème. C'est par exemple ce que souligne le rapport sous la direction de Francis Grignon du Sénat français, ou encore de très nombreux hommes politiques lorsqu'ils parlent du sujet[7]. Toutefois, les pays qui bénéficient des délocalisations cherchent
également des solutions non plus pour limiter, mais bien pour développer ce
phénomène. Ces pays comme la Chine ou l'Inde, cherchent à contrer les freins
éventuels qui pourraient limiter les délocalisations.
Solutions pour les pays subissant les délocalisations
Les huit questions clés posées dans le filtre Factea[8] permettent de structurer et d'analyser de façon exhaustive les solutions possibles pour freiner les délocalisations dans les pays les subissant.
Question clé 1 : proximité du service / produit. Réorienter la consommation vers des produits et services de proximité qui par définition ne peuvent subir les délocalisations. Par exemple, la Grande-Bretagne a renoncé à contrer les délocalisations, les considérant comme une évolution naturelle de l'économie ; elle a réorienté massivement son économie vers les services, notamment de proximité.
Question clé 2 : préférence nationale. Favoriser la préférence nationale.
Question clé 3 : infrastructures. Développer des infrastructures performantes susceptibles de conserver les entreprises en leur permettant d'améliorer leur compétitivité grâce à ces infrastructures. C'est l'un des enjeux que s'est fixé l'Union européenne. C'est aussi ce que fait la France en développant des pôles de compétitivité.
Question clé 4 : reproductibilité. Favoriser la migration vers de nouveaux produits / services à forte valeur ajoutée, et donc a priori peu reproductibles. C'est la solution la plus souvent mise en avant par les économistes qui soulignent que c'est l'évolution naturelle pour les pays industrialisés. Sans doute cette solution sous-estime-t-elle la rapidité avec laquelle les pays émergents acquièrent et développent des technologies de pointe.
Question clé 5 : régulation. Mettre en place des barrières permettant de limiter les délocalisations.
Question clé 6 : différentiel de coût. Réduire le différentiel de coût de production des produits / services entre les pays subissant et bénéficiant des délocalisations. Tous les pays ont étudié cette problématique et mis en place des mesures très diverses, touchant tous les éléments de la structure de coût : niveau des salaires, charges sur les salaires (en France : 44% de taxe sur le salaire net), avantages sociaux des salariés (congés payés, RTT, arrêt maladie...), taxes diverses (par exemple en France : taxe professionnelle, taxe versement de transport selon les communes...), contraintes diverses (normes de sécurité, procédures environnementales,…).
Question clé 7 : capacité à délocaliser. Cette question clé s'interroge sur la capacité d'une entreprise à délocaliser le produit / service qu'elle fabrique. Sachant que ce sont surtout les grandes entreprises qui délocalisent, la solution est de favoriser le développement des PME qui sont moins enclines à délocaliser. C'est sur ce point, qu'en France, certains économistes ont reproché à l'ISF (Impôt de solidarité sur la fortune) d'être en partie à l'origine de délocalisations. En effet, après avoir été rachetées par de grands groupes, certaines PME ont vu leur production délocalisée par ces grands groupes. Alors que si ces entreprises étaient restées indépendantes, elles n'auraient sans doute pas eu les moyens et ressources internes pour délocaliser.
Question clé 8 : volonté de délocaliser. Cette question clé s'interroge sur la volonté de délocaliser des dirigeants et / ou actionnaires. En effet, même si une entreprise a tout intérêt à délocaliser sur le plan économique ; elle peut ne pas souhaiter le faire pour d'autres considérations. Par exemple, en France l'État actionnaire peut mettre son veto à une délocalisation.
Solutions pour les pays bénéficiant des délocalisations
Si les pays subissant les délocalisations souhaitent les limiter, il n'en est pas de même des pays bénéficiant des délocalisations, synonymes pour eux d'enrichissement. C'est pourquoi, ces derniers font tout ce qui est possible pour favoriser ces délocalisations. Les huit questions clés posées dans le filtre Factea[8] permettent de structurer et d'analyser de façon exhaustive les solutions possibles pour favoriser les délocalisations et donc l'implantation de nouvelles entreprises.
Question clé 1 : proximité du service / produit. Favoriser la consommation de produits et services délocalisés. Par exemple, créer des marques à forte attractivité. Rendre la fabrication dans leur pays synonyme de qualité.
Question clé 2 : préférence nationale. Limiter la préférence nationale. Par exemple, mettre en avant qu'elle est synonyme de valeurs anciennes dans un monde globalisé.
Question clé 3 : infrastructures. Développer des infrastructures performantes susceptibles d'attirer les entreprises en leur permettant d'améliorer leur compétitivité avec ces infrastructures. C'est l'un des enjeux que s'est fixée l'Inde, qui souffre aujourd'hui encore d'infrastructures insuffisantes.
Question clé 4 : reproductibilité. Favoriser le transfert de technologies par tout moyen. C'est par exemple ce que fait la Chine en conditionnant l'obtention de grands marchés, au transfert de technologies, comme dans le nucléaire.
Question clé 5 : régulation. Limiter les barrières empêchant les délocalisations. Par exemple, faire appel à l'OMC pour condamner des pratiques protectionnistes.
Question clé 6 : différentiel de coût. Maintenir le différentiel de coût de production des produits / services entre les pays subissant et bénéficiant des délocalisations. Notamment en freinant l'augmentation des salaires ou encore des contraintes environnementales ou autres.
Question clé 7 : capacité à délocaliser. Aider les PME a délocaliser. Par exemple, en leur proposant des modèles économiques attractifs "prêts à l'emploi" (e.g. sur le recyclage de bouteilles plastiques).
Question clé 8 : volonté de délocaliser. Convaincre les dirigeants et actionnaires de délocaliser. À défaut, racheter des entreprises dans les pays subissant les délocalisations. Puis une fois rachetée, délocaliser en continuant à bénéficier de la marque.
Considérations sur les délocalisations en France
Dans le secteur industriel, les délocalisations croissent passant de 12000 emplois détruits depuis 1995 en moyenne annuelle à 15000 depuis 2000[9].
Par ailleurs, les délocalisations observées dans les métiers de service, semblent poursuivre des objectifs liés bien plus à des aspects de restructuration et d'optimisation des ressources des entreprises, d'accès à de nouveaux marchés, ou à des ressources humaines indisponibles sur le territoire national, qu'à des considérations de réduction du coût du travail. Les travaux de la Commission des Finances du Sénat ont pu estimer le potentiel de délocalisation de ces métiers de service à 202 000 emplois entre 2006 et 2010[10].
Selon Élie Cohen, économiste français, il ne faut pas confondre les délocalisations avec la désindustrialisation[11].
Une délocalisation conséquence de l'internationalisation
La délocalisation est un choix incontestable des entreprises françaises[12]. Dans l'U.E. à 25, c'est la Pologne qui reçoit le plus de filiales françaises (153 813 salariés). Les autres pays où les entreprises françaises délocalisent le plus sont : La Tunisie, le Maroc, la Roumanie et la Chine.
Cette délocalisation se traduit le plus souvent par une politique d'implantation de longue date sur les marchés étrangers, tant au niveau des ressources que des débouchés, permettant de renforcer ces entreprises françaises dans le cadre mondial. Les investissements étrangers en France sont de leur côté créateurs d'emploi et renforcent le tissu économique et technologique du pays.