Horizons : Depuis plusieurs années, le protectionnisme a été défendu pour une mise en œuvre à l’échelle communautaire. Pourtant, dans un texte récent « Un an après » vous laissez la porte ouverte à un protectionnisme national. Dans l’idéal et d’un point de vue purement technique, quel serait le périmètre optimal pour une politique néo-protectionniste ?
Jacques Sapir : Il est clair que, techniquement, plus grande et plus homogène est la zone qui se protège et meilleur en est l’effet. De ce point de vue, une zone qui correspondrait au noyau initial de la CEE me semblerait optimal. On pourrait sans doute y ajouter la Suède et le Danemark. Mais, nous sommes confrontés à deux problèmes :
- Tout d’abord le démantèlement d’une partie de la protection sociale tel qu’il est organisé en Allemagne par les lois qu’a fait voter le chancelier Schröder et que Mme Merkel n’aura de cesse de renforcer dans son alliance avec les Libéraux. De fait, l’Allemagne se met en position de concurrence sociale par rapport aux autres pays du « noyau » historique.
- Ensuite, les oppositions au néo-protectionnisme risquent d’être virulentes en Allemagne et aux Pays-Bas.
C’est pourquoi le périmètre réaliste sera probablement – du moins pour une période initiale – plus faible que le périmètre « optimal ». On peut penser qu’une alliance France-Italie-Belgique pourrait constituer une bonne base de départ. Cependant, on ne doit pas exclure une solution purement nationale. Dans la situation actuelle, tout est préférable au statu-quo. Néanmoins, il faut comprendre qu’une telle solution nationale serait appelée à s’élargir rapidement.
Notons que si les autres pays réagissent à la démarche protectionniste de l’un d’entre eux en mettant, à leur tour, des barrières protectionnistes on aura beau jeu de leur dire « pourquoi pas tous ensemble ? ».
Ce qui me fait penser que tenter le saut du protectionnisme ne serait-ce qu’au simple niveau de la France ne présente aucun risque. Soit les autres pays ne réagissent pas, et dans ce cas nous rétablissons assez vite notre balance commerciale, soit ils réagissent et dans ce cas, comme ils auront aussi fais sauter le tabou qui pesait sur des mesures protectionnistes nous serons dans une excellente position pour négocier avec eux des mesures communes.
Le véritable problème est celui du tabou qui pèse aujourd’hui sur le protectionnisme. Qu’il saute et d’une certaine manière nous avons gagné.
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(Commentaires personnels :
Et pourquoi pas un système de semi-protectionnisme !
Au départ, on importait ce dont nous n'avions pas dans notre pays. Aujourd'hui, on importe de plus en plus, car nous produisons de moins en moins.
Il est intelligent et intéressant de pouvoir importer tout ce que notre pays, notre région ne sait pas produire.
Mais tout ce que nous savons produire par nous-même, interdire l'importation.
Au départ, c'était cela, l'intérêt de l'importation, et de l'exportation.
Maintenant, c'est pour le profit des actionnaires, qui veulent éradiquer les taxes des pays et le coût salarial, par le bas, le moins !!!)
Le dernier scénario, qui correspond à la solution préconisée par Todd, est la mise en place d’un protectionnisme européen. Selon Todd, l’ouverture commerciale, parfois source d’augmentation des richesses, conduit aujourd’hui à accroître les inégalités, exerce une forte pression à la baisse sur les salaires et facilite les mouvements de délocalisations vers les pays à bas prix. En France même, le libre-échange fait de plus en plus de perdants, d’où son impopularité sans cesse grandissante, y compris parmi les cadres et professions intellectuelles supérieures. Todd accuse les socialistes d’être structurellement incapables de rompre avec le « dogme du libre-échangisme » : leur internationalisme les convainc que le libre-échange contribue à réduire la pauvreté dans le monde, et leur composition sociologique fait la part belle à des fonctionnaires d’Etat à l’abri des violences liées à l’insertion dans l’économie mondialisée. Todd se montre volontariste dans son souhait de voir coïncider les espaces économiques, sociaux et politiques. Si la nation est un cadre insuffisant et que la démocratie planétaire est une utopie, le niveau européen est en revanche pertinent pour mettre en place un espace de régulation économique se protégeant des importations et des délocalisations. Todd suggère même une méthode, qui consisterait, dans un premier temps, à convaincre l’Allemagne, cœur industriel de l’Europe, du bien-fondé de cette approche et, faute de succès, de menacer de quitter la zone euro. En tout état de cause, le protectionnisme est présenté comme seul moyen possible pour perpétuer la démocratie.