Les Echos n° 18686 du 01 Juillet 2002 • page 3
Comme pour les plans sociaux, les élections n'ont pas marqué de trêve pour les délocalisations. Juste avant les législatives, début juin, Whirlpool annonçait, sans ménagement, la suppression de 360 postes à Amiens et le transfert d'une partie de sa production vers le site slovaque de Poprad. « Le lave-linge à chargement par le dessus rencontre un marché déclinant, qui se déplace vers l'Europe de l'Est ; le sèche-linge bénéficie d'un marché en croissance, concentré sur l'Europe du Nord », avançait la filiale française du groupe américain d'électroménager. Egalement exemplaire : après des
années de « résistance », Kindy serait sur le point de céder aux sirènes de la délocalisation, ce qui détruirait une centaine d'emplois à Moliens (Oise) et à Moreuil (Somme). Lejaby, la filiale du groupe américain Warnaco, qui réalisait encore récemment 70 % de sa production de lingerie en France, a décidé, mercredi dernier, de procéder à un plan de « réorganisation industrielle », afin de réaliser l'essentiel de sa production en Tunisie (231 postes concernés).Dans un contexte industriel d'intensification des relations interentreprises (accords de coopération, sous-traitance, externalisation...), les délocalisations, qui consistent à fabriquer ailleurs ce qui pourrait l'être en France, le plus souvent pour des raisons de coûts, sont de plus en plus nombreuses : 43 % des entreprises américaines envisagent, par exemple, une délocalisation de tout ou partie de leurs activités françaises, selon une récente étude d'Ernst & Young. Le score était de 1 sur 3 il y a quelques mois, selon la Chambre de commerce américaine de Paris. Principaux accusés : les lois sociales françaises (35 heures, modernisation sociale) et le poids des charges.
Transferts de services administratifs
Les fermetures-réouvertures hors du « site France » ont progressivement changé de visage : après les industries textiles et automobiles, le tertiaire est désormais concerné, avec, par exemple, les délocalisations de centres d'appels. L'hémorragie des produits « bas de gamme » s'accompagne désormais du transfert de produits de plus en plus sophistiqués, comme les biens d'équipement automobiles, informatiques ou électroniques. Aux délocalisations de production s'ajoutent celles des services administratifs, comptables ou juridiques. C'est le cas d'EADS et du holding créé par Renault et Nissan, qui ont installé leurs sièges sociaux aux Pays-Bas, en raison non pas de la fiscalité mais du droit des sociétés, particulièrement favorable. Des banques d'affaires, par ailleurs, délocalisent depuis longtemps leurs services financiers à Londres et y font travailler des équipes de Français, y compris pour des opérations concernant la France. Tout le monde, apparemment, est gagnant : les employeurs paient moins de charges sur le territoire britannique et les analystes, moins imposés, sont avantagés,
Autre ajustement : la Thaïlande, l'Inde, la Chine, le pourtour méditerranéen et les « pays du Sud » en général ne sont plus systématiquement choisis comme destination. On assiste, depuis plusieurs mois, à un recentrage « horizontal » vers l'Europe centrale et orientale « en raison du passage à l'euro et des perspectives d'élargissement à l'Est », selon Jean-Louis Levet, du Commissariat général du Plan, auteur de « La Nouvelle Nationalité de l'entreprise ». « Si les systèmes de fiscalité ne sont pas harmonisés rapidement, prévient-il, les entreprises vont de plus en plus agir dans le marché européen comme elles le feraient dans un marché intérieur. »
Nouvelles zones de consommation
C'est particulièrement net dans le secteur des dérivés sidérurgiques et métallurgiques : les groupes
http://archives.lesechos.fr/archives/2002/LesEchos/18686-11-ECH.htm
http://www.journaldunet.com/management/0403/040331_delocalisation.shtml
La délocalisation pourrait emporter 25 % de l'emploi high-tech | |||||||||||||||||||||||||||||
D'ici 2010, un quart de l'emploi européen IT risque d'être délocalisé vers des pays émergents. 30 % des grandes entreprises européennes du secteur ont déjà lancé un chantier dans ce sens. (mars 2004) | |||||||||||||||||||||||||||||
Externalisation, délocalisation, offshore... Peu importe le terme employé, le transfert vers les pays émergents d'une partie des activités high-tech européennes semble inéluctable. Et Gartner ne voit pas vraiment ce qui pourrait inverser la tendance : l'année dernière, le marché de la délocalisation dans le secteur IT européen a progressé de 3,1 %. D'ici 2007, sa croissance annuelle pourrait atteindre les 8 %.
Derrière ces constats économiques se logent deux réalités industrielles bien plus marquantes. Dès l'année prochaine, en 2005 donc, 30 % des grandes entreprises IT européennes devraient avoir entrepris de délocaliser une partie de leurs activités. Sur le front de l'emploi, Gartner estime quà l'horizon 2010 plus de 25 % des postes du secteur européen de la high-tech seront transférés vers des pays émergents, notamment l'Inde, la Chine et la Russie. En attendant ces perspectives, toujours selon l'étude réalisée par Gartner, 2003 est une année à marquer d'une pierre blanche dans la stratégie de délocalisation des entreprises européennes. Quinze contrats de délocalisation d'une valeur dépassant le milliard de dollars ont été signés l'année dernière dans les pays occidentaux. Sur ces quinze grands contrats, dix émanent de grandes entreprises européennes de la high-tech. Entre 1989 et 2002, l'Europe n'était à l'origine que de quatorze signatures de cette taille. On mesure l'accélération. Cette logique de délocalisation devrait surtout agiter les entreprises britanniques. L'étude estime que le Royaume-Uni sera cette année à l'origine de 35 % des contrats de délocalisation. La France devrait, elle, représenter près de 13 % du marché européen.
Gartner estime enfin que les dix futurs Etats membres de l'Union européenne ne devraient jouer qu'un rôle secondaire sur le marché de la délocalisation, l'Asie continuant d'être la zone d'atterrissage la plus attractive. Au cas par cas, grâce à leur proximité géographique et linguistique, les dix nouveaux pays de l'UE pourront néanmoins se positionner sur des segments d'activité. |
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