Le renouveau des églises et la naissance des évangéliques
Le Great Awakening a été marqué par la figure de grands prédicateurs parcourant des kilomètres pour prêcher l'Evangile et appeler à la conversion.
Le premier a percevoir la nécessité d'un renouveau dans les églises fut Théodore Frelinghuysen de la Dutch Reformed Church dans la Vallée Raritan en 1726 qui voulait raviver la foi dans le coeur de ses fidèles en insistant sur les Evangiles et la bonne nouvelle du salut. Il fut suivi par de nombreux pasteurs d'autres églises.
Ce renouveau fut principalement marqué par la personne de George Whitefield (1714–1770) né en Angleterre. Il fit la connaissance de John Wesley fondateur du méthodisme et commença à prêcher dès 1736 en Angleterre. Il est considéré comme le fondateur des mouvements revivalistes américains et du Grand Réveil et fut l'un des fondateur du méthodisme. Whitefield anglais d'origine et grand prédicateur anglican dans le réveil en Angleterre arriva aux États-Unis en 1738 pour débuter ses grands voyages d'évangélisation à travers les colonies. Il démarra ses « tournées » en Géorgie puis en 1739 à Savannah jusqu'à Philadelphie avant de revenir à travers la campagne à Charleston. En 1740, il voyagea en Nouvelle-Angleterre après avoir soulevé des foules qui le suivaient le long de son chemin. Il impressionna même le cynique Franklin à Philadelphie qui disait qu'il pouvait prêcher à 30 000 personnes en même temps grâce à sa forte voix. Ses plus grandes tournées se déroulèrent surtout en Nouvelle-Angleterre où les prédicateurs revivalistes avaient le droit de prêcher en tant qu'itinérants. Quand on refusait l'accès aux églises à Whitefield, il prêchait dans les champs où la simplicité de son message, l'assurance de son salut et la vivacité avec laquelle il prêchait parlant de repentance nécessaire, peignant l'enfer auquel on peut échapper par la foi, attiraient des foules. Whitefield publia un ouvrage édifiant à ce sujet, "The Eternity of Hell Torments", avertissant solennellement les auditeurs d’un « bûcher éternel ». On insiste ainsi à des « field preaching ». Des milliers de personnes se repentirent. La rapidité des conversions et surtout l'indifférence affichée contre les dénominations favorisa bien sûr des controverses.
De nombreux prédicateurs suivirent son exemple aux États-Unis : Jonathan Edwards(1718-1747) grand prédicateur de Nouvelle-Angleterre célèbre pour son sermon "Sinners in the hands of an Angry God" et grand théologien, William (1673-1746) et Gilbert Tennent (1703-1764), presbytérien et ami de Whitefield qu'il accompagna et aida surtout à Boston, James Davenport (1716-1756), puritain qui prêcha activement en Nouvelle-Angleterre.
Les grands prédicateurs prirent la place dominante aux détriments des ministres réguliers souvent critiqués par les grands prédicateurs qui appelèrent à un retour vers une foi pure et première. Certains ministres adoptèrent ces principes d'autres les rejetèrent comme Charles Chauncey à Boston qui condamna cette approche religieuse.
Des prédications marquées par l'émotion et la conversion personnelle
Le Great Awakening rejette l'arminianisme, le salut par les oeuvres ou les rites. Les prédicateurs réaffirment le message libérateur du salut par la grâce et délivrent les fidèles de leur condition de pêcheurs en réaffirmant le salut par la Grâce seule. Seule la foi compte pour être sauvé accompagné du désir d'essayer d'accomplir désormais des actes biens. Les prédicateurs insistent ainsi à nouveau sur la conversion, la foi, la vie religieuse personnelle : lecture de la bible, prière dévotions, et exhortation individuelle. La conversion doit être synonyme de nouvelle vie d'une « new birth », de changement, de transformation. Le Great Awakening place l'individu au centre responsable de ses choix, débarrassé des autorités religieuses devant Dieu et rejette dans un certain sens le Half Way Covenant en réaffirmant l'importance de la new birth. Ils réaffirment la nécessité pour le fidèle de se convertir pour recevoir la Sainte-Scène (Eucharistie).
Le Great Awakening favorise le rejet du rationalisme en matière religieuse pour privilégier les sentiments et l'émotion contre le formalisme des églises traditionnelles. Lors des grandes manifestations, les prédicateurs n'hésitaient pas à accompagner leurs paroles de gestes, de cris pour convertir les foules. La prédication avait de grands effets sur le corps : les gens poussaient des cris, s'évanouissaient, pleuraient, imploraient Dieu.
Le Great Awakening revient donc aux principes fondateurs de la Réforme : l'insistance sur le salut par la grâce et sur la conversion, donc dans un certain sens il favorise le retour au "covenant".
Le foisonnement de l'activité religieuse et missionnaire
Les Américains se passionnaient pour la religion, jeunes et femmes surtout. La littérature religieuse connaissait un grand succès. Les Églises gagnèrent entre 20 à 50% de plus de fidèles, principalement en Nouvelle-Angleterre. L'église congrégationaliste vit le nombre de ses fidèles augmenter considérablement et connut un dynamisme sans précédent ( la notion de covenant était véritablement prise au sérieux pendant cette période). De même un flot considérable de membres et de ministres grossirent les rangs des églises. De nombreuses universités furent alors crées pour former les futurs pasteurs revivalistes : « new light » c'est-à-dire "des nouvelles lumières" tels que Princeton (1746), Brown contre Harvard, gagné par le libéralisme et l'arminianisme. Les débats théologiques abondèrent, suscités par Edwards qui réconcilia la tradition calviniste avec la « New Birth » contre les philosophes des Lumières dans "A treatise concerning Religious Affections". Il fonda la théologie évangélique par une série de livres. Des chants et hymnes nouveaux furent créés tels que les hymnes d'Isaac Watts. Des initiatives de tout bord furent prises pour répandre la parole : Eleazar Wheelock, puritain du Connecticut créa des écoles « Moor's Indian Charity School » à Lebanon en 1754 pour les indiens pour qu'ils puissent par eux-mêmes répandre la foi de manière plus efficace. Puis il créa une université ouverte aux indiens et aux blancs.
Le Great Awakening favorisa une christianisation de plus en plus massive des esclaves, qui fut difficile à chiffrer à cause du manque de sources. (Avant le Grand Réveil, cette évangélisation faite par l'église anglicane était souvent lié à un paternalisme.) Le mouvement revivaliste mené dans les églises congrégationalistes donna une part plus importante à la base, aux fidèles et suscita l'adhésion de nombreux esclaves. Par ailleurs les condamnations des méthodistes contre l'esclavagisme favorisèrent leur adhésion et marqua l'essor des Gospels. Whitefiel, lui-même condamnait l'esclavagisme et voulait ouvrir des écoles pour enfants noirs. Le Great Awakening favorisa aussi le développement d'oeuvres religieuses : Whitefield construisit ainsi une école pour orphelins.
Ainsi, le Grand Réveil est marqué par un retour aux principes fondateurs : le salut par la grâce, l'importance de la conversion et de la foi, de la base avec la volonté de recréer une société idéale de croyants confiant leur vie à Dieu et soucieux de suivre sa volonté quotidiennement.
Une unité des Églises : une lente marche vers la tolérance
Le Great Awakening est un mouvement qui toucha toutes les colonies et toutes les dénominations.
L'insistance sur l'expérience et les émotions religieuses favorisèrent une redécouverte du premiers principes puritains : c'est-à-dire l'importance de la conversion et de la nouvelle naissance "New birth", principes qui mirent fins aux querelles doctrinales et politiques pour unir les différents dénominations. Whitefield, Tennent, et Edwards étaient respectivement anglican, presbytérien, congrégationaliste. Whitefield influença ainsi toutes les communautés. Anglais, il s'adressait aux américains sans se soucier des frontières entre les colonies, entre des divisions et entre les dénominations ou des querelles religieuses. Après ses tournées, la foi renaissait avec homogénéité et touchait l'ensemble des colonies. Une forme d'unité se dessinait donc au milieu de cette pluralité confessionnelle et d'états ce qui favorisa l'avènement de la tolérance.
Zinzendorf, morave allemand voulait même réunir toutes les communautés religieuses allemandes de Germantown en une seule ce qui fut un échec.
Lors du Great Awakening les américains eurent le sentiment de partager des valeurs communes ce qui relativisa le poids des dénominations.
Après le Réveil, les idées de supériorité de la loi divine sur la loi humaine, la conviction que les droits naturels avaient été donnés par Dieu et qu'ils sont par conséquent inaliénables et fondamentaux, favorisèrent la marche vers la Révolution. Le Great Awakening réduisit l'autorité du clergé et de la hiérarchie, leur imposant un choix : soit ils acceptaient les idées revivalistes et perdaient une partie de leur autorité au profit de l'émotion, de la conversion personnelle, soit ils s'en tenaient aux anciennes lumières et voyaient la foi se dessécher et leurs églises évoluaient vers un vague déisme qu'on appela plus tard l'unitarisme. L'idée d'une égalité encore mal consciente entre les hommes commençait à germer.
L'année 1758 marqua le début de la fin du Grand Réveil religieux dans le Sud et le Nord des colonies avec la mort de Jonathan Edwards et la réunion d'un synode presbytérien qui mit fin aux querelles entre anti-revivalistes et revivalistes qui dominaient alors la scène. Avec la guerre dans les années 1750 contre les Français et les indiens, les américains eurent d'autres préoccupations bien que Whitefield poursuivit ses tournées et que Wesley envoyait des "circuit riders", prédicateurs, qui connurent de grands succès. La ferveur du Great Awakening commençait cependant à décroître. Et le nombre de fervents dans les Églises retrouva bientôt son chiffre habituel, le matérialisme reconquerrant les âmes. On considère souvent que le Great Awakening se termina avec la guerre d'Indépendance.
La marque de son passage fut la considérable augmentation des femmes dans les Églises. Ce Grand Réveil eut cependant une influence décisive sur la vie religieuse : il réactiva en effet l'utopie initiale : avec le désir de recréer une société de croyants fervents menant une vie pure et conforme aux principes chrétiens avec une insistance sur la conversion personnelle, le salut par la grâce avec une lecture littérale de la Bible et une vie religieuse active, un renouveau du covenant et une recherche de la perfection, une réaffirmation du pouvoir de la base. Cependant il marqua aussi l'essor d'une nouvelle forme religieuse très marquée par les sentiments et les exaltations : l'évangélisme, mais aussi dans un certain sens l'apparition d'une forme de tolérance et de liberté religieuse. Le sentiment d'union entre les protestants favorisa l'apparition de sociétés religieuses ou de charités interdénominationnelles.
Cependant il marqua le début des séries de réveils qui secouèrent les États-Unis les siècles suivants : comme le Second Great Awakening, le Third Great Awakening des années suivantes... et au XXe siècle avec Billy Graham. Le Great Awakening introduisit une première forme de liberté religieuse, d'unité, de contestation du pouvoir et d'individualisme qui menèrent vers la Révolution.