Rapports entre les multinationales et les États
En 1957, Robert Mundell définit les multinationales comme une réponse aux pratiques protectionnistes des États. Il s'agissait de créer des filiales au sein de pays étrangers afin de contourner leurs politiques douanières restrictives. On peut aller plus loin en considérant le phénomène de transnationalisation comme un moyen pour les firmes de fuir, ou plutôt d'éviter, les risques liés aux États, espace national de production unique et de dépendance juridique, économique, sociale et politique.
Si on se réfère à la première définition, qui insistait sur le caractère centralisé des multinationales, c'est-à-dire stipulant que ces dernières possèdent le plus souvent un centre principal de décision, l'État peut avoir une influence sur celles-ci et les utiliser comme instruments. Ainsi, dans Rival States, Rival Firms, S. Strange et J. M. Stopford affirment que « quel que soit l'internationalisation de ses opérations, » une société « appartient, psychologiquement et sociologiquement, à sa région d'origine. Dans le pire des cas, ses directeurs accepteront toujours les souhaits et ordres des gouvernements qui ont édité leurs passeports et ceux de leurs familles. »
Dans le même registre, Estrella Tolentino pense que « la nation d'origine influence la capacité de ses firmes à réussir dans certaines industries. » Il existe des cas où cette mainmise de l'État est plus évidente, notamment en France, où de grandes entreprises publiques sont des multinationales, comme EDF, ou Renault avant sa privatisation.
Si maintenant on insiste plutôt sur le côté flexible de ces firmes, car elles peuvent être considérées comme des menaces pour les États. En effet, les multinationales créent leur propre espace économique, indépendamment des États, et leur flexibilité leur permet d'exploiter les disparités de législations sociales ou environnementales, de mettre ces derniers en concurrence. La souveraineté des États est alors soumise aux stratégies globales des plus grandes multinationales. Concrètement, l'aménagement d'un port dépend désormais, au XXIe siècle, moins des plans décidés par le gouvernement que ceux des chargeurs, armateurs ou opérateurs des multinationales.
Ces sociétés peuvent alors exploiter massivement les ressources naturelles d'un pays, ou relocaliser leurs activités les plus polluantes vers les États les moins regardants. En cas de fraudes, il est difficile de les réprimer, car leurs activités illicites sont souvent installées entre deux ordres juridiques peu capables de les sanctionner. Le droit international sur le commerce n'ayant pas quant à lui la possibilité (ou même la volonté) de les atteindre, et les ordres juridiques internes étant limités par des frontières internationales imperméables aux enquêtes et aux poursuites.
En plus d'influencer les États par un lobbying dont aucun autre acteur n'a les moyens, elles peuvent avoir recours à de la corruption. Cela peut aller de la corruption d'agents publics en vue de l'obtention d'un marché, à de la capture d'État. Dans cette dernière, la corruption a lieu le plus en amont possible de la décision, au niveau de la législation.
Mohammed Bedjaoui va même jusqu'à parler de « puissance faustienne » des multinationales, dont les pouvoirs vont jusqu'au contrôle de gouvernements (républiques de bananes) ou même jusqu'à renverser un régime qui leur est défavorable. La chute du régime de Salvador Allende au Chili en 1973 est ainsi due en grande partie à la participation d'International Telephone and Telegraph (ITT).[réf. nécessaire]
Pour Bertrand Badie, ces multinationales privent les États des moyens d’intervenir dans leur évolution économique, dans le niveau de l’emploi, le niveau de vie ou la protection sociale de leur population.
Plus généralement, l'organisation et l'importance de ces sociétés créé une « interdépendance globale », ce qui entraîne forcément une perte d'autonomie des États.
Réaction des États [modifier]
Face à cette menace, une résistance unilatérale des États s'est mise en place, par des mesures financières ou en allant parfois jusqu'aux nationalisations. En se basant sur une déclaration onusienne de 1952 reconnaissant « aux pays insuffisamment développés le droit de disposer de leurs richesses naturelles », 1 639 procédures de nationalisations ont été lancées entre 1960 et 1975. En plus de ces mesures unilatérales, des réponses multilatérales ont été données. Cependant, leur caractère souvent facultatif les a rendues peu efficaces. Dans cette optique plus globale, en 1974 est créée une commission des multinationales, qui deviendra en 1994 la « commission de l'investissement international et des sociétés transnationales ». En 1976, l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) lance un « code de bonne conduite à l'intention des entreprises multinationales ». L'Organisation internationale du travail (OIT) adopte une « déclaration tripartite sur les principes concernant les entreprises multinationales et la politique sociale »; celle-ci pose les principes de respect de la souveraineté du pays d'accueil, du respect des droits de l'homme et du respect de l'investissement. Plus récemment, en 1999, Kofi Annan a proposé un pacte mondial (Global Pact) aux firmes ajoutant, en plus de la précédente déclaration, un volet environnemental. Mais ces mesures voulant réguler l'activité des multinationales ne sont que des souhaits, et rien n'obligera ces firmes à les respecter. Cependant, certaines mesures prises à des niveaux régionaux peuvent s'avérer contraignantes pour les multinationales. L'Union européenne interdit les ententes concertées ou les abus de position dominante. En 2008 et en 2009, Microsoft a été contrainte de changer sa politique en raison de fortes amendes européennes[5]. Mais de façon générale, mis dans quelques endroits comme le Venezuela de Chàvez, la tendance n'est plus à la confrontation États – multinationales, mais plutôt à la coopération. Finalement, la législation des États s'est adaptée aux multinationales. Alec Stone Sweet montre comment les quarante dernières années ont vu la mise en place d'un système privé de gouvernance transnationale, ce qu'il appelle la nouvelle Lex Mercatoria. Selon lui, les acteurs du système, c'est-à-dire les multinationales, leurs avocats, les arbitres internationaux et les legal academics (« intellectuels du milieu juridique »), ont évolué vers l'utilisation de principes « a-nationaux » de contrats et d'un système de courts de justice privées pour organiser et réguler les échanges commerciaux transfrontaliers. Les États sont vus ici comme des freins, des coûts supplémentaires pour les entreprises, et sont alors utilisés uniquement si nécessaires. Les États ont alors adapté leurs lois à cette nouvelle Lex Mercatoria en augmentant l'autonomie des firmes. Les États ont désormais la volonté d'aider les multinationales. Concernant leurs activités à l'étranger, leurs gouvernements d'origine les soutiennent dans l'obtention de nouveaux marchés : par exemple, au début du XXIe siècle, le président français tient régulièrement le rôle de « super VRP » lors de ses déplacements. En cas de crise, l'État d'origine va protéger les investissements de ses multinationales comme il aura tendance à protéger ses ressortissants. Le cas de la Côte d'Ivoire, en 2004, en est un exemple[6]. De même, les États vont désormais tout faire pour attirer les investissements de ces multinationales sur leurs territoires. C'est dans ce sens que sont créées des zones franches, ou des sociétés mixtes ouvertes aux capitaux étrangers. Des infrastructures, comme des autoroutes ou des aéroports, sont construits pour faciliter l'implantation de filiales de ces entreprises. C'est une diplomatie de persuasion à leur intention qui est mise en place. Dans un autre sens, il y a une augmentation de la redevance financière versée à l'État d'accueil pour la vente des matières premières. L'heure du conflit semble s'éloigner. Ainsi entre 1975 et 1985, seules 47 procédures de nationalisations ont été mise en place, contre 1 639 durant les quinze années précédentes. Selon S. Strange et J. Stopford, c'est une interdépendance mutuelle qui s'est créée entre les multinationales et les États. Ces derniers cherchent alors la coopération des dirigeants de ces multinationales, même si cela se fait toujours dans les contraintes (économique, sociales, historiques…) de chaque pays. Plus concrètement, des États ont désormais passé des contrats avec des firmes étrangères pour que ces dernières s'occupent du développement de nombreuses activités. Les gouvernements font appel à ces sociétés afin de réduire leurs coûts d'infrastructures et de recherche. C'est particulièrement le cas dans les domaines de l'agro-alimentaire, de la chimie, ou de l'informatique. Cela va même jusqu'au domaine militaire, où l'exemple de l'A400M est un cas de coopération entre les États européens pour soutenir la multinationale EADS. Au début du XXIe siècle, les États s'affrontent pour s'attirer les bonnes grâces de ces multinationales. Pour J. Stopford et S. Strange, « les états sont désormais en compétition plus pour des moyens de créer de la richesse sur leur territoire que pour de la puissance sur un plus grand territoire. Là où ils avaient l'habitude de se concurrencer pour de la puissance comme un moyen d'obtenir des richesses, ils se concurrencent désormais plus pour des richesses comme un moyen de puissance ». Et ces multinationales sont le vecteur principal des transferts de capitaux, et donc de richesses. Pour Robert Gilpin, « les entreprises multinationales sont effectivement l'expression de l'expansionnisme américain et ne peuvent être séparées des objectifs plus larges de la politique extérieure américaine; les liens de sécurité entre les États-Unis et l'Europe occidentale facilite l'expansion outre-Atlantique des entreprises américaines; la pax americana fournit le cadre politique à l'intérieur duquel ces activités économiques et transnationales ont lieu ». Dans l'école néo-réaliste, les multinationales n'existent que grâce et pour les États, et ne serait donc pas des acteurs autonomes. Ce sont des légions au service des États. L'inégalité entre le Nord et le Sud va alors en grandissant, puisque les grands États, comme les États-Unis, ont la possibilité de peser sur les multinationales, tandis que les États faibles se retrouvent démunis. Susan Strange parle d'une « asymétrie grandissante entre les États forts dotés d'un pouvoir structurel et les États faibles qui en sont démunis ». Les multinationales sont un objet privilégié de l'approche dépendantiste. Celles-ci participent activement à l'exploitation de la périphérie de la périphérie (main-d’œuvre des pays du tiers monde, matières premières, sols…) par le centre du centre (décideurs des firmes, gouvernements des pays occidentaux) avec l'aide du centre de la périphérie (dirigeants des filiales, gouvernements corrompus) et de la périphérie du centre (consommateurs). Les multinationales peuvent être vues comme les tentacules de la domination capitaliste, comme une promotion du pouvoir privé contre le pouvoir public. Ainsi peut-on observer un phénomène de dénationalisation des économies de la périphérie, tandis qu'en 1999, 90 % des sièges des multinationales étaient présent dans la triade États-Unis, Europe et Japon. Ces multinationales permettent aussi la diffusion d'un mode de consommation parfois inadapté. L'exemple du lait en poudre en Afrique subsaharienne est représentatif dans ce domaine. Cette diffusion culturelle pourra ensuite auto-entretenir cette domination par la création de besoins nouveaux au sein des populations de la périphérie. Les multinationales semblent le plus souvent agir dans l'intérêt du centre. Ainsi l'industrie pharmaceutique consacre 0,2 % de sa recherche à la tuberculose, alors que cette dernière représente 18 % des maladies à l'échelle mondiale. Pourtant, une grande partie de la fabrication de médicaments provient des ressources minérales et génétiques des pays du Sud. Elles sont souvent l'objet de débats passionnés. Certains y voient une source de richesses, et se réjouissent de l'homogénéisation politique et de l'interdépendance économique mondiale qu'elles entraînent, y voyant un facteur de croissance et de paix. D'autres y voient les vecteurs d'une exploitation grandissante des pays du Sud au profit d'une classe mondiale privilégiée, responsables de l'inégalité grandissante entre les riches et les pauvres. Noam Chomsky qualifie les multinationales de « tyrannies privées » et d'« institutions totalitaires » dans la mesure où elles exercent un pouvoir de plus en plus important en dehors de tout contrôle démocratique[7]. Classement [modifier] La plupart des multinationales sont originaires des pays développés. Il y a par exemple Hilton (États-Unis), Bombardier (Canada), Schlumberger (France), Virgin (Royaume-Uni), Santander (Espagne), Fiat (Italie), Nestlé (Suisse), Ikea (Suède), ArcelorMittal (LuxX), Siemens (Allemagne), Red Bull (Autriche) et Honda (Japon). Cependant, depuis le début du XXIe siècle, les multinationales des pays émergents gagnent des places dans la hiérarchie mondiale ; ainsi, on pouvait en recenser 47 dans le classement Fortune 500 en 2006, contre 19 en 1990. Les plus importantes sont Hutchison Whampoa (Hong Kong), Petronas (Malaisie), Singtel (Singapour) ou Samsung (Corée du Sud). Les pays du Sud ont représenté en 2005 13 % des fusions-acquisitions[8]. Au début du XXIe siècle, deux tendances sont à considérer. Tout d'abord, la transnationalisation n'est plus le monopole des grandes firmes, puisque de plus en plus de PME pensent directement à s'implanter sur un marché multinational. Ensuite, des multinationales venant de pays émergent commencent à peser sur l'économie mondiale. Il y a par exemple, le cas de Mittal et Arcelor en 2005-2006. Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement http://www.unctad.org/Templates/Page.asp?intItemID=5305&lang=2
Conflits [modifier]
Coopérations [modifier]
Rôle dans les écoles des relations internationales
L’école néo-réaliste
L’école de la dépendance [modifier]
Débat sur leur impact
Pour Bertrand Badie, la mondialisation est la mise en œuvre de quatre processus : la globalisation financière, l'organisation mondiale de la production, la libre circulation des marchandises et l'instantanéité de l'information. À cette vue, les multinationales ont sans doute un rôle majeur dans cette transformation récente du monde.
Tendances et perspectives [modifier]
8 février 2010 - Présentation du Trade and Environment Review 2009/2010
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http://www.unctad.org/infocomm/francais/introdfr.htm
INFORMATION ET TRANSPARENCE DES MARCHES
Le consensus de São Paulo a été adopté à la onzième conférence quadriennale de la CNUCED (XI) qui s'est tenue au Brésil en juin 2004. Il complète efficacement le plan d'action de Bangkok pour former une base solide dans l'orientation à suivre jusqu'à la douzième sessions de la CNUCED en 2008. Dans ce cadre, le consensus de São Paolo Consensus par. 74 a reconnu, inter alia, que « Les suggestions figurant dans le rapport de la Réunion de personnalités sur les questions
relatives aux produits de base et les résultats du débat à ce sujet tenu lors de la cinquantième session du Conseil du commerce et du développement et de l'examen du rapport par l'Assemblée générale devraient être sérieusement pris en considération. Les projets relatifs à la mise en valeur de produits de base - en particulier les projets axés sur le marché - et leur préparation au titre du deuxième compte du Fonds commun pour les produits de base devraient bénéficier d'un appui accru.»