Sargon d'Akkad vers 2340. Ce dernier installe sa fille Enheduanna comme grande prêtresse du sanctuaire du dieu-lune Nanna, inaugurant un tradition reprise par son petit-fils Narâm-Sîn, qui fait à son tour de sa fille Enmenanna la grande prêtresse de ce temple.
Ur elle-même a livré environ 4 000 textes administratifs de cette période, montrant les activités du temple de Nanna (agriculture, commerce, artisanat)[10].
On a également retrouvé 70 tablettes de cette époque, émanant d'archives privées : des procès, actes de vente, distributions de rations, etc.[24] La vie économique de la ville reprend, mais semble bien loin du niveau des époques précédentes.
Quand Lagash est un royaume indépendant, il est dirigé par un roi, qui porte le titre sumérien d'ENSI, signifiant « vicaire ». Ceci reflète l'idéologie politique mésopotamienne : le pouvoir appartient en réalité aux dieux, dans ce cas, Ningirsu, considéré comme la véritable maître du royaume, et le souverain terrestre n'est que son représentant, il lui doit son pouvoir. Il arrive aussi que les souverains portent le titre de LUGAL, « grand homme », qui lui n'a aucune connotation religieuse. Les rois ont une épouse principale, qui occcupe une place importante dans la vie du royaume. Le reste des structures politiques du royaume de Lagash sont mal connues. Le gouvernement s'appuie sur une bureaucratie relevant du palais, mais également des temples, qui sont plus ou moins contrôlés par le pouvoir royal.
La conquête de Lagash par Sargon d'Akkad renvoie ce territoire au simple rang de province de l'Empire d'Akkad, et cette situation se reproduit au début de la Troisième dynastie d'Ur. Le cadre territorial reste inchangé, et le pouvoir est toujours exercé depuis Girsu, qui a livré des archives venant des gouverneurs provinciaux de ces deux périodes. Ceux-ci portent le titre d'ENSI, devenu dans ces empires un poste administratif. Ces personnages dirigent l'administration de la province, et se chargent des activités des grands organismes qui gèrent les activités économiques (avant tous les temples pour ce qui concerne Lagash). Ils s'assurent de la disponibilité des productions des grands domaines et ateliers pour l'administration centrale. La prospérité de la région de Lagash en fait en effet un pivot de chacun des deux Empires. Les épouses des gouverneurs s'inscrivent elles aussi dans la continuité des reines de l'époque archaïques, tant pour les fonctions administratives que religieuses.
Les archives retrouvées à Girsu nous donnent une image de la prospérité économique de la région de Lagash au cours de la seconde moitié du IIIe millénaire[6]. Les trois principales cités sont situées sur une branche de l'Euphrate, qui sert de source pour un important réseau d'irrigation qui donne naissance à une des plus riches régions agricoles du pays de Sumer. On sait par leurs inscriptions que les souverains ont activement participé à l'entretien de ce système si vital pour leur royaume, et c'est d'ailleurs autour d'un terroir irrigué que se noue l'intrigue des conflits opposant les souverains archaïques de Lagash à ceux d'Umma.
Le temple avait à cette époque plus de 4 400 hectares de terres, et employait 1 200 travailleurs. Ces derniers étaient payés en rations d'entretien, à base de grain. Les activités concernent la culture céréalière, l'élevage, la pêche dans les marais entourant Girsu, et aussi l'artisanat.
La prospérité de la région de Lagash et de Girsu se voit également dans les archives du temple de Ningirsu à la période d'Ur III (XXIe siècle). Elles documentent également l'agriculture et l'élevage. La province de Lagash est la plus grosse contributrice dans le système du BALA mis en place à la fin du règne de Shulgi, et ce pour quelques années, qui organise les contributions en nature des diverses provinces de l'Empire. On est donc à chaque fois dans un cas d'économie et de société encadrée par de grandes institutions, en l'occurrence des temples, mais sur lesquels le pouvoir royal exerce un pouvoir fort : ils servent de base à l'organisation de l'Empire d'Ur. Leur personnel semble d'ailleurs plus tourné vers la gestion du domaine que le culte religieux, sous la direction d'un administrateur, le ŠABRA[8]. La propriété privée n'est pas documentée. On a également les traces de ce qui pourrait être une sorte de « zone d'activités » où travaillent conjointement des ouvriers agricoles et artisans issus des couches basses de la société et rétribués en rations d'entretien par l'administration[9].
Les terres agricoles des temples sont gérées de façon tripartite :
Les dépendants peuvent être réquisitionnés pour des corvées, de même que les métayers. Ils sont alors tous rémunérés par des rations, mais le système est plus généreux pour les seconds que pour les premiers.
L'élevage est bien documenté également, notamment pour la période de la Troisième dynastie d'Ur. L'élevage dominant est celui des ovins, mais on est bien documenté sur les bovins, un peu sur les porcins, et la volaille. Les tablettes de la période d'Ur III nous montrent en détail l'organisation de l'engraissement des veaux, surveillé de très près par une armée de scribes comptabilisant les rations distribuées, les entrées et sorties de bétail, l'abattage et les morts accidentelles.
Les activités artisanales sont peu documentées par les archives du temple de Bau : on y voit tout de même les activités d'un groupe d'une vingtaine de tisserandes, dirigées par un contremaître, et elles aussi payées en rations. Les archives de la période d'Ur III nous montrent un ensemble d'ateliers constituant regroupant pour les plus importants des milliers de travailleurs[10]. Le tout était coordonné par une administration très hiérarchisée et bureaucratisée, caractéristique de l'Empire d'Ur. Les ateliers les plus importants sont ceux consacrés à l'activité textile. Ils fonctionnent là aussi essentiellement avec un personnel féminin, évalué à plus de 5 000 personnes, regroupées en 26 ateliers, dirigées par des contremaîtres. Comme leurs lointaines ancêtres, elles sont payées en rations d'entretien. Elles peuvent également être réquisitionnées pour d'autres travaux : minoterie, moisson, entretien des canaux, halage de bateaux sur les canaux.
C'est alors, et de loin, la plus grande agglomération de basse Mésopotamie. On y a identifié les caractéristiques majeures de ce que l'on appelle parfois la « civilisation urukéenne ». D'abord le début de l'urbanisation, qui se marque par la taille croissante de l'agglomération, les traits d'une société de plus en plus hiérarchisée, la présence d'une architecture monumentale montrant l'existence d'un pouvoir fort. Uruk est souvent considérée comme la « première ville ». L'art de cette période apparaît dans les objets exhumés à Uruk, notamment les sceaux-cylindres, qui sont une innovation de cette période, et représentent alors beaucoup de thèmes religieux, ainsi que la vie quotidienne. Le site a également livré de nombreux bols à bords biseautés (beveled-rim bowls) caractéristiques de la poterie urukéenne. C'est enfin sur le site d'Uruk (avec celui de Suse) que sont représentés le plus clairement les progrès dans la comptabilité accomplis à cette période, et surtout les débuts de l'écriture (voir plus bas), invention majeure de la période d'Uruk.
La société de l'Empire d'Ur est divisée comme toute société de l’histoire mésopotamienne entre libres et non libres. Les archives administratives ainsi que le Code d'Ur-Nammu fournissent des renseignements sur ces catégories. Néanmoins, on discute encore de la nature des relations sociales et il reste difficile d’en dresser un tableau d’ensemble sûr.
Les libres sont constitués du haut de l'échelle sociale, c'est-à-dire les membres de l'administration de l'État, une minorité qui vit dans l'aisance, et surtout d'une majorité de gens vivant dans des conditions moins enviables, les classes laborieuses. Ceux que l’on connaît par les textes travaillent pour les palais et les temples, et sont groupés en unités de production. Ils ont soit un métier dans lequel ils sont spécialisés, soit ils peuvent être employés à des tâches différentes selon les besoins (moissons, récoltes, constructions, etc.). Il existait aussi une classe particulière, les ERIN2 (« troupe »), des corvéables, dont la première fonction était d'être des soldats mobilisés en temps de guerre, mais qui pouvaient aussi être employés pour des travaux divers si besoin est.
Les esclaves (ÌR) étaient principalement des prisonniers de guerre, mais aussi quelquefois des personnes ayant perdu leur liberté du fait de problèmes économiques (dettes, ventes d'enfants par les parents), ou encore par des décisions juridiques. Les esclaves étaient intégrés dans les troupes d'ERIN2, ou dans les unités de production des palais et des temples. L'esclavage domestique est limité aux familles les plus riches. Les libres des classes laborieuses n'avaient pas une meilleure situation que les non-libres, qui devaient avoir des conditions de vie et de travail similaires, et qui disposaient de nombreux droits, notamment celui de propriété, et de se marier. La différence vient du fait que l'esclave appartient à son maître, dont l'attitude définira le degré de liberté de celui-ci. L'esclave pouvait être affranchi.
Économie [modifier]
L'économie est dirigée par les grands organismes, le temple et le palais. L'administration des temples est à la charge du ŠABRA (« préfet »), qui est à la tête d'une administration parallèle à celle des ministres du culte. Les souverains d'Ur ont imposé leur autorité sur les temples, qui servent l'État selon ses besoins, par l’intermédiaire des gouverneurs provinciaux. Le secteur privé est inconnu, faute de sources ; son rôle devait être secondaire à côté de celui des grands organismes.
L’administration des grands organismes fonctionne avant tout autour d’une masse de dépendants travaillant à plein temps directement pour le compte de l’institution, et payés en rations d’entretien, en grain, huile et laine[11]. D’autres travailleurs payés aussi en rations peuvent être engagés pour une durée temporaire. Les personnes chargées de surveiller les travailleurs leurs fixent des objectifs l’avance qu’ils doivent remplir. Une administration tatillonne surveille l’exécution de ces tâches, et les mouvements des produits finis et non finis. Il semble que bien souvent elle demande à ses dépendants de produire plus qu’ils ne peuvent[12]. Malgré tout, la gestion des grands organismes reste basée avant tout sur la cellule familiale, et ce à tous les niveaux de l’économie (par exemple avec la famille d'Ur-Meme dans la gestion du temple d’Inanna à Nippur[13], ou chez les forestiers d’Umma[14], etc.), où on travaille en famille, et on se succède de père en fils.
La période d'Ur III a livré une abondante documentation cadastrale, consistant en des descriptions de champs, parfois même accompagnées de plans. Ils servaient aux administrateurs des temples à évaluer les capacités de leur domaine. Tous ces documents n'étaient cependant pas des relevés de champs réels, certains ayant une valeur didactique, visant à montrer aux arpenteurs comment bien évaluer la capacité d'un champ. L'étude de ces documents a amené Mario Liverani à proposer une reconstitution des paysages agraires de la basse Mésopotamie fin du IIIe millénaire[17]. Il remarque une opposition nord/sud entre le pays d'Akkad et le pays de Sumer : le premier présenterait un paysage de champs de taille réduite, avec de nombreux villages et hameaux ; le second serait constitué de champs répartis le long des canaux, qu'ils jouxtent sur leur petit côté, s'étendant en longueur perpendiculairement au réseau d'irrigation, et l'habitat est constitué surtout de villes et gros bourgs.
L’élevage était une activité très importante, qui a laissé beaucoup de documentation écrite[18]. Les archives de Puzrish-Dagan relatives au BALA montrent que les bêtes sorties des élevages des grands organismes pouvaient transiter à travers tout le royaume. Les entrées et sorties des bêtes des troupeaux étaient comptabilisées scrupuleusement, ainsi que les éventuels accidents pouvant entraîner la mort des animaux. Des personnes étaient chargées de l’engraissement des jeunes bêtes, et des pasteurs s’occupaient des troupeaux.
L'artisanat [modifier]
L'artisanat est surtout le fait des grands organismes, et c'est en tout cas par leurs archives qu'il nous est connu pour cette période (essentiellement celles des temples d'Umma et de Girsu). Les simples artisans, qu'ils soient métallurgistes, charpentiers, tanneurs, etc. travaillent en petites équipes, surveillées par des contremaîtres[19]. Toutefois, les situations varient, et certains travaillent dans de meilleures conditions que d'autres.
L'« industrie » textile présente les cas les plus remarquables par leur échelle (mais dont la place dans l'économie ne doit pas être surévaluée)[20]. Certaines unités de production étaient très importantes : un centre de tissage de la province de Lagash employaient plus de 5 000 ouvrières dans 26 ateliers, où elles étaient soumises à une administration tatillonne qui surveillait le travail effectué, comptabilisait les entrées et sorties de produits, se chargeait des rémunérations en rations d'entretien.
Le commerce [modifier]
Le commerce est dirigé par les palais et les temples. Ils emploient des marchands (DAMGAR), qui avaient un rôle d'intermédiaire. La possibilité que les marchands de l'époque aient exercé des activités à leur propre compte reste encore sujet à débat, en l'absence de sources mentionnant de façon claire des opérations commerciales ou financières privées[21]. L'organisme commanditaire finance l'expédition, avec des produits devant être vendus (textiles et alimentaires), et même, fait nouveau, avec du métal (l'argent), qui commence à cette époque à prendre de l'importance. Mais l'étalon des échanges reste surtout le grain d'orge, l'emploi de l'argent étant surtout limité aux grands organismes, du fait que sa circulation était soumise au contrôle de l'État. Ur est une ville qui s'est grandement enrichie par le commerce international, grâce notamment au commerce maritime en direction du Golfe, facilité par la proximité de la mer aux hautes époques[22]. Ceci explique la présence de deux ports de commerce dans la cité.