Mosaïques
Au cours des siècles, l'église fut décorée de riches mosaïques, figurant la Vierge Marie, Jésus, les saints, ou bien des empereurs et impératrices, ou encore de motifs géométriques dans un style purement décoratif.
En 1204, lors de la Quatrième croisade, les Croisés latins saccagérent les objets de valeur dans tous les grands édifices byzantins de la ville, y compris l'or des mosaïques de Sainte-Sophie. Beaucoup de ces objets furent envoyés à Venise par le doge Enrico Dandolo, qui avait organisé l'invasion et le pillage de Constantinople.
À la suite de la conversion du bâtiment en mosquée, en 1453, bon nombre des mosaïques furent recouvertes de plâtre, en raison de l'interdiction dans l'islam de représenter des scènes figuratives. Ce processus ne fut pas accompli d'un seul coup, et des rapports existent depuis le XVIIe siècle dans lesquels des voyageurs déclarent avoir vu des images chrétiennes dans l'ancienne basilique.
En 1847-1849, le bâtiment fut restauré par deux frères suisses, Gaspare et Giuseppe Fossati, qui obtinrent du sultan Abdülmecid la permission de relever toutes les mosaïques qu'ils seraient amenés à découvrir au cours des travaux. Toutefois, il n'était pas prévu de les restaurer, et même, les Fossati durent masquer à la peinture certaines figures qu'ils venaient de relever en détail : c'est le cas des visages de deux mosaïques de séraphins découvertes au cours des travaux sur les pendentifs, au centre de l'édifice. Les deux autres figures de séraphins symétriques des pendentifs n'ont pas été retrouvées par les Fossati, qui les ont entièrement recréées. Dans d'autres cas, les Fossati se sont efforcés de combler à la peinture les parties de mosaïques endommagées, au point de parfois les redessiner complètement.
Les archives des Fossati sont parfois les uniques sources de mosaïques aujourd'hui disparues, vraisemblablement détruites par un violent tremblement de terre, en 1894. Parmi celles-ci figurait une grande mosaïque du Christ Pantocrator sur le dôme, une mosaïque au-dessus d'une « porte des Pauvres » non identifiée, une grande image d'une croix incrustée de pierres précieuses et un grand nombre d'images d'anges, de saints, de patriarches, et de pères de l'Église. La plupart des images manquantes se trouvaient sur les deux tympans. Les Fossati ajoutèrent un minbar (chaire), ainsi que les quatre grands médaillons sur les murs de la nef, portant les noms de Mahomet et des premiers califes de l'islam.
Les mosaïques de la Porte impériale ornent le tympan qui surmonte la porte réservée à l'empereur. D'après leur style, on peut les dater de la fin du IXe siècle ou du début du Xe. L'empereur représenté avec un halo (ou nimbe) pourrait être Léon VI le Sage ou son fils Constantin VII Porphyrogénète : il s'incline devant le Christ Pantocrator, assis sur un trône incrusté de pierres précieuses et donnant sa bénédiction, la main gauche sur un livre ouvert[9]. On peut lire sur le livre : EIPHNH YMIN. EΓΩ EIMI TO ΦΩC TOY KOCMOY. « La paix soit avec vous. Je suis la Lumière du monde. » (Jean 20:19; 20:26; 8:12). Les deux médaillons, de chaque côté des épaules du Christ, figurent, à sa gauche, l'archange Gabriel, fondateur de l'église, tenant une houlette, et à sa droite, sa mère, Marie. Cette mosaïque exprime le pouvoir intemporel conféré par le Christ aux empereurs byzantins. Les mosaïques du tympan de l'entrée sud-ouest datent de 944. Elles furent redécouvertes lors des restaurations de Fossati, en 1849. La Vierge est assise sur un trône sans dossier décoré de pierres précieuses. L'Enfant Jésus est assis sur ses genoux, donnant sa bénédiction et tenant un rouleau dans sa main gauche. Sur sa gauche se tient l'empereur Constantin, en costume de cérémonie, présentant à Marie un modèle de la ville. L'inscription à son côté dit : « KΩNCTANTINOC O EN AΓIOIC MEΓAC BACIΛEYC » « Constantin, le grand basileus parmi les saints ». À son côté droit se tient l'empereur Justinien, offrant un modèle de Sainte-Sophie, avec l'inscription : « IOYCTINIANOC O AOIΔIMOC BACIΛEYC » « Justinien, le basileus digne d'être chanté ». Les médaillons, des deux côtés de la tête de la Vierge, portent les monogrammes « MP » et « ΘY », abréviation de « MHTHP ΘEOY », « Mère de Dieu ». La mosaïque de la Théotokos (la Vierge et l'Enfant) est la première mosaïque de la période post-iconoclaste. Elle a été inaugurée le 29 mars 867 par le patriarche Photius et les empereurs Michel III et Basile Ier. Cette mosaïque est située très en hauteur, dans la demi-coupole de l'abside. Marie est assise sur un trône sans dossier, tenant l'enfant Jésus sur ses genoux. Ses pieds reposent sur un piédestal. Tant le socle que le trône sont ornés de pierres précieuses. Ces mosaïques sont considérées comme une reconstruction des mosaïques du VIe siècle qui furent détruites au cours de la période iconoclaste. Les figures des mosaïques sont disposées sur le fond d'or original du VIe siècle. Les portraits des archanges Gabriel et Michel (en grande partie détruits), sur le bêma de l'arche, datent également du IXe siècle. La mosaïque de l'empereur Alexandre est assez difficile à trouver, cachée dans un coin très sombre du plafond du deuxième étage. Elle représente l'empereur Alexandre III (AΛEΞANΔPOC), dans son manteau impérial, tenant un rouleau dans sa main droite et un orbe (ou globus cruciger) dans la gauche. Un dessin de Fossati montre que la mosaïque a survécu jusqu'en 1849, et on pensait qu'elle avait été détruite dans le tremblement de terre de 1894. Elle fut redécouverte en 1958, sous une simple couche de peinture[10]. Cette mosaïque de la galerie sud date du XIe siècle. Le Christ Pantocrator, vêtu d'une robe bleu foncé (comme c'est l'usage dans l'art byzantin), est assis au milieu, sur fond d'or, donnant sa bénédiction de la main droite et tenant la Bible de la gauche. De chaque côté de son visage sont disposés les monogrammes IC et XC, pour IHCOYC XPICTOC (Iēsous Khristos). Il est flanqué de Constantin IX Monomaque et de son épouse l'impératrice Zoé, tous deux en costumes de cérémonie. L'empereur présente une bourse qui rappelle le don qu'il a fait à l'église, alors que Zoé tient un livre, symbole de sa propre donation. L'inscription du côté de l'empereur dit : KΩNCTANTINOC EN X(PICT)Ω TΩ Θ(Ε)Ω AYTOKPATΩP ΠICTOC BACIΛEYC PΩMAIΩN O MONOMAXOC « Constantin, pieux empereur dans le Christ Dieu, roi des Romains, Monomaque ». L'inscription de l'impératrice se lit comme suit : ZΩH H EYCEBECTATH AYΓOYCTA « Zoé, la très pieuse Auguste ». Le visage et le nom de l'empereur ne sont pas ceux d'origine. Il est possible que la mosaïque ait d'abord représenté le premier mari de Zoé, Romain III Argyre, ou son fils adoptif, Michel IV le Paphlagonien. La mosaïque des Comnène est située, elle aussi, sur le mur oriental du côté sud de la galerie. Elle a été exécutée après 1122. La Vierge Marie (MP ΘY) est debout au milieu, dans sa robe bleu foncé habituelle dans l'art byzantin. Elle tient sur ses genoux le Christ enfant, qui donne sa bénédiction de la main droite tout en tenant un rouleau dans sa main gauche. Sur son côté droit, l'empereur Jean II Comnène (IΩ(ANNHC) EN X(PICT)Ω TΩ Θ(E)Ω ΠICTOC BACIΛEYC ΠOPΦYPOΓENHTOC, AYTOKPATΩP PΩMAI(ΩN) O KOMNHNOC « Jean, pieux empereur dans le Christ Dieu, Porphyrogénète, roi des Romains, Comnène ») est représenté dans un costume brodé de pierreries. Il tient à la main une bourse, symbole d'une donation impériale à l'église. L'impératrice Irène (EIPHNH H EYCEBECTATH AYΓOYCTA « Irène, la très pieuse Auguste ») se tient au côté gauche de la Vierge, en vêtements de cérémonie, présentant un document. Leur fils aîné, le co-empereur Alexis Comnène (AΛEΞIOC EN X(PICT)Ω ΠI(CTOC) BACIΛEYC PΩMAI(ΩN) « Alexis, dans le Christ, pieux empereur des Romains ») est représenté sur un pilastre de côté. Ses traits tristes sont le reflet de sa mort, la même année, de la tuberculose. On peut comparer ce groupe avec la mosaïque de l'impératrice Zoé, qui lui est antérieure d'un siècle, et voir l'évolution : l'expression des portraits se trouve maintenant plus réaliste, autrement dit, moins idéalisée. L'impératrice a des cheveux blonds tressés, des joues roses et des yeux gris, propres à montrer ses origines hongroises. L'empereur est représenté dans la dignité. Mosaïque de la déisis La mosaïque de la Déisis (grec Δέησις : « supplication ») date probablement de 1261. C'est le troisième panneau de la loge impériale de la galerie supérieure. Cette mosaïque est considérée comme un chef d'œuvre pour la douceur des traits et de l'expression des visages, et aussi comme le début de la renaissance de l'art pictural byzantin. Le style est celui des peintres italiens des fin XIIIe-XIVe siècles, comme Duccio. La Vierge Marie (MP ΘΥ) et Jean-Baptiste (O AΓIOC IΩ. O ΠPOΔPOMOC : saint Jean Prodromos), tous deux de trois-quarts, implorent l'intercession du Christ Pantocrator (IC XC) pour les péchés de l'humanité lors du Jugement dernier. La partie inférieure de la mosaïque est très détériorée, probablement à cause de la pluie venant de la fenêtre voisine.Mosaïques de la Porte impériale
Mosaïques de l'entrée sud-ouest
Mosaïques de l'abside
Mosaïque de l'empereur Alexandre
Mosaïque de l'impératrice Zoé
Mosaïque des Comnène
Mosaïques du tympan septentrional
Les mosaïques du tympan nord, situées très en hauteur, figurent quelques saints personnages, parmi lesquels on reconnaît saint Jean Chrysostome (IΩANNHC O XPYCOCTOMOC) et le patriarche Ignace de Constantinople, dit le Jeune (IΓNATIOC O NEOC) debout, vêtus de robes blanches brodées de croix et tenant des bibles richement ornées. Les autres ont disparu, probablement lors du tremblement de terre de 1894.